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ASCO interview : Pr Florence Duffaud

Afin de prendre la témpérature de cette 49ème édition du congrès de l'ASCO, nous avons décidé d'interviewer l'un de nos experts présents à Chicago afin de recueillir ses impressions quant à l'édition 2013 de cet événement incontournable. Cette année, c'est le Professeur Florence Duffaud, de l'hôpital de la Timone qui a accepté de nous livrer ses impressions pour la partie GIST.

Professeur Duffaud, l'ASCO 2013 était-il un bon cru pour les GIST ?

F.D : Il faut bien le reconnaître, l'édition 2013 n'a pas aussi exaltante que celle de l'année dernière qui avait véritablement créé l'événement avec les premières données de l'étude GRID évaluant le regorafenib versus placebo dans les GIST réfractaires aux inhibiteurs de Tyrosines Kinases. Malgré tout, cet ASCO a fourni quelques données intéressantes très attendues et qui ont certainement retenu l'attention de tous les GISTologues.

Quelles sont ces données ?

F.D : Je pense principalement à la présentation des résultats de l'étude négative  "ENESTg1" (Novartis) qui évaluait le nilotinib versus imatinib en première ligne de traitement chez les patients métastatiques. Cette étude a finalement dû étre fermée pour "futilité" car les taux de réponses objectives et de contrôle de la maladie se sont rapidement révélés moins bons dans le bras nilotinib que dans le bras imatinib, démontrant ainsi que le nilotinib n'a pas sa place en première ligne de traitement dans cette indication. La question est désormais de savoir si les patients qui ont reçu du nilotinib en première ligne de traitement vont aussi bien répondre à l'imatinib en seconde ligne que si on leur avait prescrit d'emblée ? En bref, l'imatinib se révèlera-t-il aussi efficace en termes de taux de réponses, de contrôle de la maladie, de durée de la réponse en seconde ligne que s'il avait été prescrit en première ligne ?

Qu'en est-il des pistes pour lutter contre l'échappement thérapeutique ?

F.D : L'étude coréenne "RIGHT" pose la question de la réintroduction de l'imatinib en dernière ligne de traitement chez les patients ayant échoué à tous les traitements actuellement disponibles dans les GIST. Cette étude comparait le rechallenge de l'imatinib en dernière ligne versus placebo chez des patients GIST ayant au moins successivement échoué à l'imatinib et au sunitinib. Les résultats de la phase III démontrent que la réintroduction de l'imatinib chez cette catégorie de patients peut avoir un impact positif sur la survie sans progression et le contrôle de la maladie. Aussi, les éléments de réponse fournis par cette étude sont d'une importance majeure car cela fait maintenant 12 ans que nous nous posons cette question. Il était donc temps qu'une étude s'intéresse à ce sujet de sorte que nous puissions obtenir des données fiables qui nous permettront d'avoir des arguments concrets pour remettre les patients sous imatinib.

Y-a-t-il du nouveau pour la prescription adjuvante ?

FD : Les résultats de l'étude adjuvante de l'EORTC 62024 étaient en effet attendus avec énormément d'impatience. Cette étude ouverte en 2004, comparant 2 ans d'imatinib versus surveillance simple (c'est à dire sans traitement) chez les patients à risque intermédiaire/élevé de récidive ayant bénéficié d'une résection complète de leur tumeur primaire, avait pour but d'évaluer l'impact d'une prescription adjuvante d'imatinib sur la survie des malades, par rapport à une simple surveillance. Les résultats présentés cette année ont finalement confirmé ce que nous pensions déjà savoir, à savoir qu'un bénéfice de survie a pu être observé dans le bras de patients ayant reçu l'imatinib en adjuvant et que, par conséquent, 2 ans d'imatinib valent vraisemblablement bien mieux qu'une simple surveillance.

S'il devait y avoir une nouveauté à retenir de ce congrès, quelle serait-elle ?

FD : Je pense qu'il pourrait s'agir de l'analyse mutationnelle de l'ADN plasmatique circulant des patients inclus dans l'étude GRID. Les équipes ont mis au point un moyen très simple afin de connaître le statut mutationnel sans avoir à retourner sur les échantillons tumoraux, mais par un simple prélèvement sanguin. Cette nouvelle méthode d'analyse présente un double intérêt : 1) Elle permet de comparer le statut mutationnel initial à celui de l'ADN plasmatique circulant ; 2) Elle permet aux patients de ne plus avoir à subir de biopsies répétées de leurs métastases, notamment pour l'identification des mutations secondaires, ce qui est une avancée considérable.