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ASCO 2016 : Extrait de "Sarcomes & GIST" - Dr Axel Le Cesne, Gustave Roussy (Villejuif)

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Seize ans après le traitement du premier patient par imatinib (Glivec®, Novartis), l’engouement autour des GIST et du concept des thérapeutiques ciblées dans cette pathologie s’est quelque peu estompé voire éteint. Très peu de scoops ni en générale de communications révolutionnaires. Les études en cours n’étaient visiblement pas matures pour cette année.

Les enseignements de cet ASCO 2016 sur les GIST peuvent se résumer de la façon suivante :

1. En situation adjuvante :

Toujours pas de réactualisation de l’étude pionnière ACOSOG américaine comparant une année d’imatinib à une année de placebo, ni de l’étude EORTC présentée en 2013 (ASCO 2013, Casali et al, abstract 10500), comparant deux années d’imatinib à une simple surveillance, ni de l’étude germano-scandinave (SSG-AIO) présentée il y a quatre ans en séance plénière (ASCO 2011, Joensuu et al, abstract n° 1) et réactualisée l’année dernière comparant une année à trois ans d’imatinib dans les GIST à haut risque de rechute (ASCO 2015, H. Joensuu et al, abstract 10505). Rappelons que l’étude germano-scandinave est venue modifier un standard thérapeutique. La supériorité du schéma 3 ans se maintient dans le temps aussi bien en termes de RFS à 5 ans (P=0.003) que de survie globale (P=0.032). La survie globale à 5 ans est de 93.4% pour les patients ayant reçu trois années d’imatinib et de 86.8% pour ceux qui n’ont reçu qu’une année de traitement.

2. En situation de rechute ou avancée : première ligne de traitement

Cette année, et pour la troisième fois depuis 10 ans, aucune actualisation, ni communication nouvelle sur l’étude BFR14 close aux inclusions depuis Mai 2009 (434 patients inclus). Les patients longs répondeurs à l’imatinib et toujours non progressifs sous 400 mg aux alentours de leur 10ème année de traitement devraient pouvoir bénéficier d’une nouvelle randomisation entre arrêt versus poursuite du traitement, étude toujours en cours de discussion.

3. GIST et mutations :

On ne peut plus se passer du statut mutationnel du GIST, lorsque l’on prend en charge un patient, en situation de rechute mais surtout en situation adjuvante (recommandations ESMO 2014) tant : 1) le bénéfice de l’imatinib sur la survie sans progression varie en fonction du statut mutationnel, 2) la fréquence des mutations insensibles est élevée dans les GIST localisés (mutation D842V de PDGFRa présente dans environ 20% des GIST gastriques opérés, 3) la durée optimale de l’administration de l’imatinib risque de s’allonger dans le temps dans les GIST à haut risque de rechute (étude ImadGIST du GSF en cours (3 ans vs 6 ans), étude du groupe scandinave (3 vs 5 ans), 4) le nombre de TKIs à notre disposition dans les GIST avancés augmente dans le temps, tous avec leur particularité propre (actif on non sur les nouvelles mutations au niveau de la zone « ATP-binding pockets, exon 13 et 14 de KIT » ou de la zone « activation loop » exon 17 et 18 de KIT, et 5) la caractérisation devient de plus en plus complexe dans les GIST Wild Type (dont certains sont désormais appelés quadruples négatifs).

Certains GIST WT font toujours l’objet d’une approche multiplateforme (séquençage NGS, expression protéique, amplification, recherche de gène de fusion). L’équipe de M Heinrich continue de décortiquer les GIST et notamment ces fameux GIST Wild Type quadruple négatif : Kit négatif, PDGFR négatif, pas de perte d’expression du complexe SDH et RAS/MAPK négatif. (Heinrich et al, abstract 11012). Deux de ces patients, sur les 5 analysés, présentent une fusion des gènes ETV6-NTRK3 pour l’un et FGFR1-TACC1 pour l’autre, gènes de fusions déjà impliqués dans certains cancers coliques ou de l’intestin grêle (non GIST). Ainsi ces GIST contiennent quand-même des altérations géniques qui impliquent des récepteurs tyrosines kinases qui pourraient servir de cibles à de nouvelles thérapeutiques ciblées.

Aucune communication cette année sur la détection dans le plasma de cellules tumorales circulantes contenant le statut mutationnel initial du GIST et le statut mutationnel des cellules résistantes sous traitement (mutations secondaires). Ces techniques complexes et encore coûteuses vont se généraliser dans les années à venir et vont certainement nous aider pour orienter nos traitements ultérieurs. Il faudrait bien entendu valider ces signatures « plasmatiques » de façon prospective. Faut-il switcher vers une deuxième ligne de traitement dès l’apparition de cellules tumorales comprenant des mutations secondaires, avant même l’apparition de nodules résistants sur l’imagerie conventionnelle ?

4. Inhibiteurs de tyrosine kinases au-delà de la première ligne thérapeutique :

Outre le sunitinib (sutent®, Pfizer) et le régorafénib (stivarga®, Bayer) qui ont obtenu une AMM respectivement en 2006 en 2013 dans les GIST résistants/intolérants à l’imatinib, quel sera le futur des « ibs » dans les GIST prétraités ?

  • Le sunitinib (sutent®, Pfizer) : aucune communication cette année
     
  • Le pazopanib (votrient®, GSK-Novartis) : aucune communication cette année
     
  • Le vandetanib (ZD6474) : est une petite molécule anti VEFR2, EGFR et RET qui a été testée cette année dans les GIST Wild Type (modèle pré-clinique de GIST Wild Type SDH déficient intéressant) : 300 mg par jour chez les adultes, 100 mg/m2 chez les enfants (Glod et al abstract 11009). Neuf patients inclus (11-52 ans) : aucune réponse, deux longues stabilisations (stabilisation naturelle des Wild Type ?). Pas de suite.
     
  • Le crénolanib : c’était l’un des scoops de l’ASCO 2011. Le crenolanib (CP-868596) inhibe de façon spectaculaire les lignées cellulaires transfectées avec les gènes mutés du PDGFRa, notamment le D842V totalement insensible à l’imatinib (IC50 étant de seulement 9 nM avec le crenolanib vs plus de 1000 pour l’imatinib (ASCO 2011, Heinrich et al, abstract n°10012). Quelques années plus tard, les résultats cliniques étaient décevants, publiés de manière incomplète. Ces patients métastatiques à l’inclusion ont souvent un PET-scan initial négatif (maladie indolente, peu de cellules en division ?) et il existe une discordance entre l’imagerie fonctionnelle et l’imagerie conventionnelle (ASCO 2014, JM Matro et al, abstract 10546). Les résultats globaux de cette étude étaient donc attendus : 20 patients ont été inclus, doses de crénolanib augmentées de 200 mg/j à 72 mg/m2 trois fois par jour (Von Mehren et al, abstract 11010). L’administration du crénolanib fractionné quotidiennement semble plus intéressant sur le plan pharmacocinétique. Une gastrectomie n’influe peu ou pas les dosages pharmacocinétiques. Deux réponses partielles (13%), trois longues stabilisations tumorales (19%). A ce jour, il s’agit de la seule drogue considérée comme active dans ce sous-type de GIST même si le taux de réponse n’est donc pas révolutionnaire. Une étude randomisée comparant le crénolanib à un placebo est actuellement en cours. A noter, deux patients présentant un GIST avec ce type de mutation (D842V) qui ont répondu à de l’imatinib (réponse CHOI) sur les 22 patients traités dans une étude rétrospective portant sur une série de 71 patients présentant une mutation sur ce récepteur (Farag et al, abstract 11011). Il existe donc d’authentiques GIST avec cette mutation sensible à l’imatinib. A noter que la médiane de survie sans progression des patients non porteurs de la mutation D842V est identique à celle observée dans les GIST mutés au niveau de l’exon 11 de KIT : 24.5 mois. Il faut donc faire très attention aux mutations exactes sur l’exon 18 du gène PDGFRa losrque l’on prend en charge un GIST gastrique.
     
  • Le BLU-285 (Bluprint) pourrait devenir un traitement du futur dans les années à venir : dans des modèles de souris transplantés avec les lignées cellulaires de GIST mutés résistants à l’imatinib) (notamment avec la mutation 17), le BLU-285 est supérieur au régorafénib en terme d’apoptose, index prolifératif et régression tumorale. Une étude de phase 1 est actuellement en cours. A suivre...