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ASCO 2009 (EDUCATIONAL SESSION) : « Traitement adjuvant dans les GIST primitifs après résection : une approche standard, d'investigation et individualisée de la thérapie » Pr. G. DEMETRI

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Depuis l'approbation, par les autorités américaines et européennes, de la prescription d’imatinib en prévention de la récidive, de nouvelles perspectives s'offrent désormais aux patients atteints de GIST primitifs entièrement réséqués. S'il est porteur de nombreux espoirs tant pour les malades et les familles que pour l'ensemble des membres de la communauté médicale, ce nouveau tournant thérapeutique n'est cependant pas sans poser un certain nombre de questions cruciales que le Pr George Demetri a brillamment exposées lors d’une remarquable session éducative de l’ASCO 2009.

INTRODUCTION :

Les inhibiteurs de Tyrosine Kinase ont considérablement amélioré le devenir des patients atteints de GIST avancés.

● L’imatinib et le sunitinib sont les deux seules thérapies approuvées dans les GIST par les autorités américaines (FDA) et européennes (EMEA) :

● L’imatinib, en première ligne de traitement, permet de contrôler la maladie avancée chez plus de 85% des patients.

● Des différences de sensibilité ont pu être observées chez des modèles pré-cliniques de même que chez des patients présentant une maladie avancée.

Aussi, les chercheurs se demandent aujourd'hui si et comment ce schéma pourrait-il s'appliquer à un stade précoce de la maladie ?

De nombreuses études menées à travers le monde sur des patients atteints de GIST avancées ont permis de confirmer l'influence du statut mutationnel de KIT/PDGFR sur la réponse au traitement sous imatinib, avec une sensibilité et un temps de réponse généralement meilleur pour les mutations de l'exon 11 que pour l'ensemble des autres mutations.

Une méta-analyse internationale de phase III évaluant la Survie Sans Progression (SSP) auprès de plus de 1600 patients atteints de GIST a notamment permis de mettre en évidence :

● Une médiane de SSP quasiment identique entre les patients traités sous 400 mg/jour (19 mois) et ceux recevant un dosage quotidien de 800mg (23 mois) ; ainsi qu'une estimation de la SSP à 3 ans sans différence majeure entre les patients à 400mg (30%) et ceux à 800 (34%).

● Un écart significatif dans la médiane de SSP entre les patients présentant une mutation de l'exon 9 du gène KIT recevant 400mg/jour (6 mois) et ceux recevant un dosage journalier de 800 mg (19 mois). Ecart qui se retrouve également dans l'estimation de la SSP à 3 ans (5%) pour le bras 400mg, (17%) pour le bras à 800.
En revanche, la médiane de SSP ainsi que l'estimation à 3 ans restent quasiment identiques pour toutes les autres formes de mutations, quel que soit le dosage reçu.

Cette même méta-analyse internationale évaluant cette fois-ci la survie globale auprès des différentes populations de patients atteints de GIST a révélé :

● Une survie globale absolument identique de 49 mois pour l'ensemble des patients : que ceux-ci aient reçu 400 ou 800 mg/jour. Cette stricte superposition se retrouve également dans l'estimation de la Survie Globale à 3 ans (60% à 400 mg et 61% à 800mg/jour).

● Dans le cas des patients présentant une mutation de l'exon 9, on observe une survie globale de 28 mois pour les patients traités à 400mg/jour contre une survie globale de 35 mois pour les patients recevant 800mg/jour. L'estimation de la survie à 3 ans est de 37% dans le bras à 400 contre 49% dans le bras à 800.
Les courbes sont sensiblement identiques dans tous les autres génotypes.

Le Professeur Demetri pose alors la question cruciale :
"Comment guérir davantage de patients alors que l’on sait que l’imatinib et le sunitinib, s’ils ont la possibilité de prolonger la survie des patients atteints de GIST avancées, n’ont jamais permis d’aboutir à des cas de guérison avérées de maladies métastatiques ?"
(Cf . BFR14 : l’interruption de la thérapie conduit à une reprise rapide de la maladie).

QUESTIONS AUTOUR DE LA THERAPIE ADJUVANTE :

Une thérapie adjuvante administrée précocément serait-elle réellement en mesure d’éliminer les résidus microscopiques de la maladie, de réduire les risques de rechute et peut-être d’augmenter les chances de guérison ?

Afin de répondre à ces questions, le Professeur Demetri souligne alors la nécessité d’explorer davantage certains aspects relatifs aux GIST primitives précoces, à savoir :

• Les GIST précoces sont-ils une forme particulière de la maladie avec des réactions cliniques homogènes qu’il est possible d’anticiper ?

Ou bien…

• Les GIST précoces se déclinent-elles en plusieurs maladies bien distinctes présentant chacune des profils de risques variables exposant d’emblée le patient et son médecin à un large spectre de réponses cliniques possibles ?

Les différentes études réalisées jusqu’ici dans les GIST ont permis d’aboutir aux constats suivants :

1. Le risque de récidive ou de métastases dans les GIST repose (au moins) sur la taille et l’activité mitotique de la tumeur primitive réséquée.

2. Les GIST survenant au niveau de l’intestin grêle ou du rectum sont généralement de moins bon pronostic que les GIST de l’estomac, plus répandus.

3. La nature des mutations des GIST influence le risque de récidive et de métastases.

Ces informations permettent aujourd’hui de dire que les GIST regroupent en réalité, plusieurs maladies différentes et conduisent ainsi le Professeur Demetri à enchainer sur une seconde série de questions :

• Sur la base des informations actuellement disponibles, les médecins sont-ils actuellement en mesure d’identifier les patients présentant un risque suffisamment important qui justifierait d’emblée la prescription d’une thérapie adjuvante par imatinib ?

• Est-il possible d’aboutir à un consensus médical sur la définition de ce niveau de risque, sachant que les recommandations américaines et européennes préconisent la prescription adjuvante chez les patients présentant un risque « significatif » de rechute ?

• L’ensemble des patients s’accorderait-il sur cette définition du risque ?

Sur ces points, le Professeur Demetri reconnaît que les chercheurs ne sont actuellement pas en mesure de fournir des éléments de réponse satisfaisants et qu’il semblerait donc judicieux, sur la base de ces manques, d’initier une étude qui permettra d’éclaircir ces zones d’ombre.

IMPACT DE L’ETUDE NORD-AMERICAINE ACOSOG Z9001 DE PHASE III :

L’évaluation de la pertinence de la prescription adjuvante d’imatinib demeure, plus que jamais, au centre des préoccupations. Aussi, le Professeur Demetri invite-t-il l’audience à aller plus loin dans sa réflexion en posant la question suivante :

« Compte-tenu que les GIST regroupent différentes maladies induisant différents profils de réponses possibles, est-il possible d’identifier des sous-groupes de la population globale de malades qui pourraient bénéficier le plus et le moins de la prescription adjuvante ? »

Pour guider les auditeurs dans leur réflexion, il s’appuie alors sur les données de « survie sans récidive » obtenues à l’issue de l’étude nord-américaine ACOSOG Z9001 évaluant prescription adjuvante d’imatinib versus placebo chez les patients ayant eu une GIST primitive entièrement réséquée, et rappelle les résultats suivants :

• Survie sans récidive à un an chez les patients dits à « faible risque » de rechute (tumeur initiale entre 3 et 6 cm) :

o Bras « traitement » : 100%
o Bras « placebo » : 95%


• Survie sans récidive à un an chez les patients dits à « risque intermédiaire » de rechute (tumeur initiale entre 6 et 10 cm) :

o Bras « traitement » : 96%
o Bras « placebo » : 80%

• Patients dits à « très haut risque » de rechute (tumeur initiale supérieure à 10 cm) :

o Bras « traitement » : 96%
o Bras « placebo » : 67%

Ces données qui plaident en faveur d’une prescription adjuvante, du moins chez les patients à risque « intermédiaire » et « très haut risque » ont permis d’aboutir, en décembre 2008, à l’approbation de la prescription d’Imatinib dans le traitement des GIST adultes (CD117 Positifs) entièrement réséqués, par les autorités de santé américaines.

Cependant, le Professeur Demetri précise que si les autorités de santé américaines et européennes ont accordé une sorte de « faveur » aux médecins et aux malades en autorisant cette prescription, elles n’ont pas pour autant fourni la moindre indication sur la façon dont les médecins devraient « raisonnablement » proposer cette thérapie adjuvante, laissant en effet nombre de questions capitales en suspend, à savoir :

• Quels sont les patients qui devraient réellement recevoir ce traitement ?

• Sur quelle durée il être prescrit si le patient et son médecin choisissent d’opter pour une prescription adjuvante ? (Aucune directive particulière des autorités sur ce point).

• Certains génotypes sont-ils plus résistants que d’autres ? Si oui, les patients présentant ces profils devraient-ils malgré tout s’encombrer d’une thérapie adjuvante ? (Là encore, pas de directive particulière des autorités) …

CONCLUSION :

Les réponses à ces questions sont fondamentales et sous-tendent des enjeux de taille pour l’avenir des malades. Aussi, une dernière fois, le Professeur Demetri insiste-t-il sur la nécessité d’élaborer une étude qui permettra, sur la base des données disponibles et d’hypothèses scientifiques, d’affiner les modalités de ce type de prescription.

Davantage de données sont attendues avec un véritable enthousiasme.

Dans l’attente, le Professeur Demetri rappelle l’importance du dialogue avec les patients sur ce sujet et la nécessité de les éclairer sur l’ensemble des informations actuellement disponibles mais également sur les incertitudes afin d’aider les malades dans un choix qui doit impérativement demeurer personnel.