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Cancer et beauté : "Prendre soin de moi a toujours fait partie intégrante de mon combat contre la maladie"...

Je m'appelle Estelle, j'ai 33 ans. La plupart d'entre vous me connaît mieux à travers ma fonction de Présidente de cette association. Il y a peu, j'ai fait la connaissance de deux médecins esthétiques sur le point de lancer un programme de soins esthétiques du visage gratuits à destination des malades du cancer. Ce programme, baptisé "Renaissance", j'ai pu en bénéficier en avant-première. Les résultats m'ont littéralement bluffée. Parce que je suis une femme et que je sais à quel point le rester pendant la maladie est fondamental, j'ai eu envie de promouvoir cette formidable initiative à travers mon témoignage pour que d'autres malades puissent comme moi reprendre confiance en elles et retrouver un peu de leur féminité...

Lorsque l’on m’a annoncé que j’avais un Cancer, un GIST, j’avais vingt-neuf ans. Je me souviens, c’était le 5 mai 2004.
Le chirurgien est venu s’asseoir à côté de moi, à pris mes mains dans les siennes, m’a fixée du regard puis m’a dit : « Maintenant, il va falloir se battre »…

« Maintenant, il va falloir se battre »…

Il m’a fallu du temps pour comprendre le sens profond de cette phrase. Du temps pour comprendre que parfois, parce que nous succombons à nos idées noires, nous pouvons être un ennemi bien plus redoutable pour nous-mêmes que le cancer l’est déjà. Du temps pour comprendre que les traitements médicamenteux ne sont souvent pas les seules armes à déployer pour parvenir à affronter cette maladie avec force et efficacité mais qu’il faut parfois aller puiser au plus profond de soi-même l’énergie nécessaire pour trouver la force de vivre ou de survivre dans les meilleures conditions qui soient.

Apprendre que l’on est atteint d’une maladie aussi grave à cette période de la vie, c’est un peu comme rouler à vive allure dans une voiture de sport et se prendre un mur de plein fouet.
A vingt-neuf ans, on a définitivement la tête dans le guidon. On fonce aveuglement vers l’avenir en pensant que les choses se concrétiseront naturellement les unes derrière les autres, parce que la vie est ainsi faite pour la plupart des gens et qu’il n’y a aucune raison pour que cela se passe autrement. C'était bien sûr sans compter sur la maladie.
Le temps d'une annonce, et ce sont tous les projets d'une vie qui se sont écroulés. Les miens mais aussi ceux de la personne avec laquelle je vivais depuis sept ans et à qui le cancer avait déjà arraché ses deux parents dans sa plus tendre enfance. Terrible réalité que celle de l'existence.

« Maintenant, il va falloir se battre »...

Il est des cancers dont on sait qu'ils ne sont parfois qu'une douloureuse épreuve à surmonter mais qu'à force de traitements, ils finiront par être terrassés et la vie pourra un jour reprendre son cours, bonnant mallant...
Ce n'est pas le cas des GIST dont le pronostic incertain et son traitement à durée indéterminée m'ont stoppée nette dans ma lancée et dépossédée à jamais d'une part sacrée de ma féminité : la maternité.
Parce que je devrai probablement continuer à être traitée pour le restant de mes jours, je ne pourrai pas avoir d'enfant. Tel est le prix de ma survie ! Pas d’enfant durant le traitement, pas de survie sans traitement ; le choix est cornélien et la solution implacable. Terrible paradoxe de cette thérapie qui prolonge mon existence mais m’empêche d’évoluer dans ma vie de femme et me donne l’impression de ne pas vieillir aux yeux de la société.
Malgré mes trente-trois ans, mes responsabilités professionnelles et associatives, j’ai parfois le sentiment d’être perçue comme une éternelle « adolescente », une « gamine » du fait qu’il manque cette indispensable corde à mon arc… Il y a des jours où je m’en accommode mais le plus souvent, sachez-le, cela m’insupporte au plus haut point.
J’ai toujours la sensation d’avoir à faire les preuves de mon statut d’adulte, de femme, du fait de mon inaptitude à concevoir des enfants et de mon inexpérience de la parentalité…
Beaucoup ont tenté de me convaincre que la maternité n’était pas une fin en soi, argumentant qu’il existait mille et une autres façons de s’accomplir en tant que femme. A ceux-là, je répondrais que leur discours m’aurait sans doute paru plus crédible s’ils n’étaient pas déjà eux-mêmes les « heureux » parents d’un, de deux, voire même de trois enfants…

La maladie, la perte du droit de procréer, ma culpabilité d’avoir entrainé dans mon « impasse » quelqu’un avec une histoire personnelle déjà lourde, ont eu raison de ma relation de couple. Je l’ai sciemment laissée s’éteindre. Il me faut désormais repartir de zéro, retrouver du sens à mon existence…

« Maintenant, il va falloir se battre »…

Le cancer, son traitement et ses dommages collatéraux m’ont poussée à porter un autre regard sur moi-même et les finalités de mon existence : Que vais-je faire de ce corps mutilé soudain devenu « socialement » inutile ? Serai-je encore capable de séduire ? Qui aura encore envie de me regarder ? De me toucher ? De m’embrasser ? Qui aura l'inconscience ou le courage de s'aventurer à construire quelque chose avec moi sachant que toute relation engagée à mes côtés est vouée à une inexorable stérilité dans tous les sens du terme ? Quelqu’un pourra-t-il simplement m’aimer telle que je suis mais aussi telle que je ne serai jamais ?
Toutes ces questions sont pour moi, des doutes perpétuels, car je sais qu'un homme peut aisément aimer une femme avec passion mais qu’il aimera toujours la mère avec respect.

Toutefois, on ne peut pas vivre constamment dans la souffrance. Il y a un moment où l’on se doit de réagir. C’est une question de survie. C’est une démarche personnelle qui nécessite énormément de temps et d’introspection mais je suis d'une nature dynamique et combative. Je suis de celles qui aiment tout contrôler.
Du coup, j’ai appris à me reconstruire. Je me suis cherché de nouveaux repères, j’ai créé cette association pour m’assurer de laisser une « trace » et tenter d'aborder la maladie de façon constructive, je me suis créé des barricades pour ne pas souffrir outre mesure de certains manques que je sais d’avance qu’ils ne pourront (plus) jamais être comblés. J’ai appris à vivre avec tout ça, à trouver des palliatifs, même si je sais que certaines plaies ne cicatriseront jamais.

« Maintenant, il va falloir se battre »…

D'accord, le GIST m'empêchera peut-être d'être une mère, mais il ne m'empêchera certainement pas de rester femme parce que c'est avant tout ce que je suis.
Je crois que, comme beaucoup au moment du diagnostic, ma peur primaire a été celle de perdre mon pouvoir de séduction, parce qu’il faut le reconnaître, entre le choc psychologique, les traitements, les effets secondaires et les chirurgies, notre côté glamour essuie un sérieux revers ! Or, pour moi, perdre cette capacité de plaire, c’est offrir aux autres la possibilité de me percevoir comme un corps malade… Hors de question ! En ce sens, affirmer chaque jour ma féminité est un besoin vital, l’expression d’une force intérieure qui stimule ma combativité, et me permet de rester l’égale de n’importe quelle autre femme, du moins en apparence. Prendre soin de moi a toujours fait partie intégrante de mon combat contre la maladie. J'imagine qu’inconsciemment, c’est un effort qui me permet de continuer à croire au futur. Pendant la campagne des « deux millions de héros ordinaires », je n’ai cessé de dire que je ne voulais pas être une « malade pyjama » car je pense que si tel était le cas, cela signifierait clairement que j’aurais renoncé à me battre mais cela ne me ressemble pas.
Etre regardée et désirée comme n’importe quelle femme, garder le pouvoir de séduire n’importe quel homme, continuer à se fondre dans une masse d’anonymes sans risquer d’être confondue dans mes fragilités sont des luxes du quotidien qui me permettent de me sentir vivante et de rester socialisée sans être marginalisée. Ces luxes, je tiens à les conserver aussi longtemps que mon état me l’autorisera. Essayer de garder la mine rayonnante malgré le poids de la maladie est un défi quotidien mais c’est aussi ce qui me permet de continuer d’avancer. Il y a des jours plus difficiles que d’autres mais j’essaie de me donner les moyens. J’ai choisi de faire envie plutôt que pitié. Je dépense des sommes folles en coiffeur, maquillage, soins du corps, vêtements, chaussures et sacs à mains mais ça me fait du bien, n’en déplaise à mon banquier !

Il y a peu de temps, j’ai fait la connaissance des Dr Secnazi et Runge. J’ai pu, en avant-première, bénéficier de quelques soins esthétiques proposés dans le cadre du programme « Renaissance ». A la suite des injections, je me suis regardée dans le miroir et j’ai vu mon visage moins fatigué, plus lumineux. L’effet esthétique a été quasiment immédiat et du coup, le psychologique aussi. Une véritable bouffée d’oxygène. Cela faisait longtemps que je n’avais pas porté un regard aussi complaisant sur moi. Quand je suis sortie de la clinique, j’étais tellement contente du résultat que je n’arrivais pas à effacer le sourire sur mon visage et me suis précipitée sur mon téléphone pour raconter à tout le monde à quel point le résultat était bluffant et à quel point cette petite « expérience » m’avait fait du bien.

La beauté n’est pas un privilège qui se doit d’être réservé aux femmes en bonne santé. Ces deux médecins l’ont parfaitement compris. C’est pourquoi j’ai eu envie de soutenir le programme « Renaissance » à travers mon expérience car je pense que ce qui est bon pour moi peut aussi apporter du positif à d’autres. L’intérêt de cette initiative est qu’elle permet aux patientes de sortir un peu de leur condition de malades pour redevenir des femmes.
A mon sens, le programme « Renaissance » offre bien plus que de simples soins esthétiques, il permet également aux femmes de se réconcilier avec leur corps en renouant avec des sensations oubliées telles que la légèreté, l’insouciance, l’intérêt pour des petites choses superficielles qui font malgré tout l’essence de la vie et permettent d’aborder l’existence sous un angle différent malgré la maladie.

« Maintenant, il va falloir se battre »...