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Cancer et beauté : « Tout faire pour rester féminine »

Elodie est la fille à laquelle tout le monde voudrait ressembler. Elle est jeune, belle, brillante, talentueuse, généreuse et pleine de ressources. C’est une rencontre que l’on oublie pas. Elodie n’est pas touchée par le GIST mais j’avais envie de vous faire partager son histoire car elle est aussi une vraie battante qui n’a jamais baissé les bras. Il y a bientôt trois ans de cela, Elodie a mené une lutte sans merci contre un redoutable sarcome osseux sans jamais faire de concession ni sur sa féminité, ni sur ses projets. Sa rage de vivre et sa détermination ont eu raison de son satané cancer. Aujourd'hui, Elodie rayonne de bonheur.
Voici son histoire...

Dès l’annonce de mon cancer, il y a trois ans maintenant, je décide de bannir de mon esprit l’idée que mon physique, ma féminité pourraient êtres altérés par la maladie. Évidemment je pense tout de suite à la perte inévitable de mes cheveux, de mes cils et sourcils et je ressens déjà des bouffées de chaleur, des angoisses à l’idée que cela puisse m’arriver. Je décide alors de préparer le terrain et d’acheter une perruque. On me l’avait conseillé. Cette solution me semble la plus adaptée pour moi car je n’avais aucune envie qu’en me regardant, on devine ce que j’étais en train de vivre. Bien au contraire. Après quelques recherches et essayages difficiles disons le, j’en trouve finalement une qui me convient tout à fait.

Je prends sur moi le jour où je commence à voir mes cheveux sur mon oreiller au réveil et je décide d’opter tout de suite pour le rasage intégral. La peur me prend à la gorge, mais j’ai aussi presque envie d’étrenner ma perruque récemment acquise. Je sais que je vais pouvoir désormais mener une vie sociale « normale » pendant mes huit mois de traitements, sortir, voyager et peut-être même un peu moins me préoccuper du regard des autres. Je me trouve plutôt jolie en plus.
On me regarde dans la rue, je me sens désirable.

Ce jour-là je prends aussi une décision indispensable à mon bien être, ma béquille à moi: aucun homme -à part ceux de ma famille- ne me verra sans ma perruque, sans mes lentilles et sans mon maquillage ; je me dois de toujours être apprêtée ! Règle valable aussi à l’hôpital, surtout même ! Un soutien moral dont je ne peux me passer.
Trop fragile, je savais que sans ça j’aurai eu du mal à m’accepter physiquement et à percevoir ma féminité.

Heureusement aussi, grâce à mon cancérologue tout au long de ma maladie, alors que tout portait à croire que j´allais perdre confiance en moi, ainsi que l´envie d´être féminine, je me suis surprise à me considérer encore comme une femme et à m’accepter en tant que telle. Sans le savoir, il me motive, me donne l´envie de plaire, me pousse à vouloir conserver tant bien que mal ma féminité. Je m’apprêtais d’ailleurs toujours avant chacune de ses visites à l’hôpital. Pour moi c’était la moindre des choses, n’était-ce pas l’homme qui me sauvait la vie ?

J’avais pour habitude pendant les quelques jours où j’étais en forme entre chaque chimiothérapie de profiter de chaque moment et de tous les plaisirs de la vie. Je déployais une telle énergie afin de ne rien manquer. Sortir, voyager, voir du monde, autant de prétextes pour oublier et fuir tout ce que l’on m’imposait et pour mener une vie parallèle où il n’y avait rien à subir et tout à vivre pleinement. En soirée par exemple, j’ai besoin qu’on me regarde, besoin de me sentir désirable et désirée, alors je mets du temps pour me préparer, beaucoup de temps même. Chaque détail de mon physique est passé au peigne fin. J’ai besoin de ça pour gagner de l’assurance et de la confiance en moi, pour paraître normale aux yeux des autres et surtout pour me donner de la force et de l’énergie pour affronter la chimiothérapie suivante.

Un jour, alors que je suis en train de danser à une soirée, à la fin de mes traitements, un jeune homme, que je ne connais que de vue, s’approche pour me parler. Il aborde tout de suite ma maladie en me disant qu’il sait ce que je suis en train de traverser et qu’il me trouve très jolie et surtout très courageuse. Je suis sur le moment très surprise, qu’un homme que je connais à peine, n’ait pas peur de me parler de ma maladie, surtout dans ce contexte si inadéquat. J’étais loin d’imaginer que quelqu’un puisse s’intéresser vraiment à moi et que je puisse oser montrer mes fragilités à un inconnu. Cela relevait même du domaine de l’inimaginable. J’ai le sourire aux lèvres. Je suis surtout très intriguée par cet inconnu et je n’ai qu’une envie le revoir. Ce que je conviens d’ailleurs avec lui !

À notre premier dîner, il me demande quelles sont les séquelles physiques de ma maladie. A l’époque, les deux choses qui me rappellent ma maladie sont ma cicatrice et ma perruque. Je n’arrive pas à lui dire la vérité, je lui parle uniquement de ma cicatrice et je ne prononce aucun mot sur la perte de mes cheveux. Il ne me pose pas plus de questions. C’est très dur pour moi car j’attache encore beaucoup d’importance à cette partie de moi et ce jour-là, je ne me sens pas prête à lui avouer ma faiblesse.

Notre deuxième sortie en boîte, la semaine suivante, restera à jamais imprimée dans ma mémoire. Je suis hantée depuis quelque temps par ce que je n’ai pas encore osé lui avouer… Il est trois heures du matin, je m’approche de lui, prête à lui faire cet aveu difficile car mon absence de cheveux me rend très vulnérable et fragile. J’ai soudain peur de le perdre, peur qu’il ne s’intéresse plus à moi, qu’il aspire à plus de normalité. Je tremble. Je sens mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine. Mais avant même de tout lui dire, j’entends :

- « Je sais »
- « Non, tu ne sais pas, tu ne peux pas savoir. »
- « Si, je sais et bientôt tu nous feras une petite coupe à la garçonne et tu seras encore plus belle. Tu sais, je n’ai pas peur de ce que tu traverses, je n’ai pas peur de ta maladie. »

J’ai envie de pleurer. J’avais toujours rêvé d’entendre ces paroles. Il avait toujours su... Je suis alors encore plus convaincue qu’il est l’homme de ma vie.

Aujourd’hui, presque deux ans et demi après la fin de mes traitements, nous vivons encore une très belle histoire et cet été nous nous dirons « Oui » pour la Vie !