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"Vivre à fond l'instant présent avec autrui..."

           Jean-Claude est ce que l'on pourrait appeler un "fidèle" de l'association, un membre de la première heure dont le sourire et la bonne humeur ne passent jamais inaperçus lors des rencontres annuelles de l'A.F.P.G. C'est en 2002, alors qu'il n'a que 58 ans, que le GIST vient bouleverser son existence. Pour autant, s'il admet volontiers que l'annonce du diagnostic fut un choc, Jean-Claude en homme passionné et engagé qu'il a toujours été n'a jamais voulu céder à la panique et a rapidement entrepris ce qu'il appelle un processus de "positivation" de sa situation. De voyages en engagements associatifs, Jean-Claude a su, au fil des ans, utiliser sa maladie comme un ressort, s'attachant à vivre pleinement chaque instant tout en gardant constamment un oeil bienveillant pour son prochain. Portrait d'un homme généreux aux mille et un projets...

          Je m’appelle Jean-Claude. J’ai 68 ans et c’est à l’âge de 58 ans que cette sournoise maladie qu’est le GIST m’est tombée dessus ou plutôt dedans, sans s’être annoncée. Quelle mauvaise surprise ! J’ai déjà rapporté ce qui m’est arrivé et comment j’ai réagi, sous la plume de Christophe Renaud, dans « Quelque chose en eux ». Je ne ferai donc que reprendre brièvement les faits, pour m’attacher ensuite un peu plus à ce qu’est ma vie aujourd’hui, à mes engagements, à mes passions, enfin à tout ce qui me fait aller de l’avant.

Jean-Claude et Christiane

            Tout a commencé en juin 2002, en pleine période de conseils de classes. En effet, j’étais professeur d’Histoire-Géographie dans un Collège où j’ai mené toute ma carrière, après un démarrage de trois ans en Tunisie (de 1966 à 1969) et un intermède de 10 ans dans la formation pédagogique continue des profs. Tout à coup, de violentes douleurs à l’estomac ont surgi, me laissant à peine le temps de m’occuper de l’orientation de mes élèves de 3ème. Tout s’est précipité : après quelques alternoiements de mon médecin traitant, le gastro-entérologue que je consultais repéra tout de suite quelque chose qu’il avait rarement vu dans sa longue carrière : une tumeur stromale de 11cm sur l’estomac ! et de me diriger très vite vers le service de chirurgie gastrique du Professeur Triboulet, au CHU de Lille. Diagnostic : il faut opérer au plus vite. Deux jours après, je subissais une gastrectomie totale de l’estomac. Bien sûr, ce fut la douche froide pour ma femme et pour moi. Sur le coup, elle fut forte, mais ce fut moins évident par la suite. De mon côté, je fus très étonné de ma réaction : je reçus cette terrible nouvelle sans paniquer, avec même une certaine sérénité ou peut-être fatalisme. La veille au soir de l’opération, j’ai même écrit calmement à destination de mes proches : « Voilà ce que j’ai envie de vous dire, au cas où je ne reviendrais pas. »

            Et puis, 5 ans après (délai fatidique ?!!!), en mars 2007, patatras, lors de mes scanners réguliers de surveillance, le radiologue m’annonce l’existence d’un nodule de 2cm, sur le foie. Déclenchement d’une tempête de questions et de réactions : « Si c’est arrivé sur le foie, je ne devrais plus en avoir pour longtemps ! Il faut donc que je me prépare à l’échéance, la plus sereinement possible. » Consultations au CHU, examens complémentaires, coordination médicale, aboutissent à me confier aux soins du Professeur Adenis, oncologue au Centre anti-cancer Oscar Lambret de Lille. Celui-ci m’explique que j’ai un GIST qui peut être traité avec de l’imatinib, à raison d’un comprimé de 400mg/jour. Grâce à ce traitement, la tumeur s’est nécrosée et n’a pas évolué depuis (dernier scan positif) ; ce qui me rend optimiste, tout en restant sur mes gardes car je suis conscient qu’une récidive est toujours possible. Jusqu’à quand ? On verra bien.

            Depuis bientôt dix ans, j’ai construit peu à peu une sorte de “positivation“ de ma situation, non d’une manière naïve ou euphorique mais en voulant profiter au maximum du présent et du futur proche. C’est comme si j’avais fait le pari pascalien : me mettre dans une posture positive et me dire que j’ai les forces pour combattre l’action sournoise de cette maladie, afin qu’elle ne m’empêche pas de vivre mes passions et mes engagements. Je me dis et j’affirme souvent que j’ai de la chance dans ma situation, par rapport à de nombreux autres. La chance d’avoir été pris en main par les meilleurs spécialistes de la région. La chance, ancien volleyeur que je fus,  d’être en bonne forme physique, ce qui me conduisit à partir en convalescence dans le Sud, dix jours après ma sortie d’hôpital et par la suite à programmer de petits puis de longs voyages. La chance encore de bien supporter le traitement peut-être grâce à l’aide du chiropracteur que je consulte et qui arrive à dénouer l’accumulation de douleurs et de stress, même si je pense bien vivre ma maladie en gérant les brûlants et les crampes que je ressens la nuit et qui me fatiguent et me rendent plus irritable, voire irascible quand ils durent une semaine. Grâce à toutes ces chances, je vis “normalement“ et assume à fond mes engagements dont je vais parler ensuite. Néanmoins, je sens que mon comportement évolue. De plus en plus, j’exprime clairement ce que j’ai, n’hésitant plus à utiliser le mot cancer (qu’on n’avait d’ailleurs jamais prononcé lors de mes consultations). Ce mot fait peur aux gens et surtout à ma femme. Et j’éprouve une sensation très ambiguë : vivre et agir comme si de rien n’était et à l’inverse parfois, affirmer mon état (« Il faut bien que les autres sachent pour comprendre certaines de mes réactions ou les douleurs que je ressens parfois face à eux »). Il me semble que c’est une question que nous sommes nombreux à nous poser.

            Je ne voulais pas m’étendre sur cette partie, mais la plume s’emporte d’elle-même ! À présent, je voudrais aborder ce que j’exprimais un jour sur le forum : ne pas seulement parler de nos problèmes auxquels nous trouvons toujours des réponses, mais aussi partager les bons moments que nous vivons, nos passions, nos loisirs … J’aborderai donc ce qui comble mon temps de nombreux plaisirs, c’est-à-dire mes engagements vers les autres, mes voyages, ma passion pour la  photographie.

            Mes engagements d’abord. Très tôt militant syndical, j’ai donné de mon temps dans une organisation ouvrière, pour défendre et soutenir celles et ceux qui sont exploités. Avec ma femme qui fut à l’origine de sa création après le coup d’état de Pinochet, j’ai participé à quelques actions du Comité Chili lensois, ce qui nous a amenés à rencontrer, à accueillir chez nous de nombreux réfugiés politiques chiliens dont quelques-uns restent de fidèles amis.

            Actuellement, je suis très investi dans une association de retraités, le Comité des Sages de Lens, dont je suis le Secrétaire et dans laquelle je coordonne toutes les actions citoyennes et intergénérationnelles en direction des élèves des établissements scolaires de notre ville. C’est pour moi, la poursuite de ma vocation qui a toujours été d’aider les élèves, en particulier ceux les plus en difficulté, dans l’acquisition des savoirs et la transmission de valeurs fondamentales comme le respect d’autrui, la solidarité, l’esprit d’équipe … Deux actions particulières me tiennent à cœur. La première est l’aide à la lecture pour des élèves d’une 6ème spécialisée de Collège : chaque bénévole aide un élève à lire et comprendre un livre ; le but étant qu’il améliore sa capacité de lecture et qu’il acquiert peu à peu un bagage de mots plus important, le “pouvoir des mots“  comme le préconise Alexandre Jardin avec qui j’ai travaillé un moment dans une action intitulée « 1000 mots contre la violence » dont nous nous inspirons ici. La deuxième action concerne l’accompagnement d’une classe de 3ème d’Insertion d’un autre Collège : dans un échange intergénérationnel autour de la question “Comment c’était de votre temps ?“, nous les amenons à nous interroger et à analyser les différences entre notre vécu et le leur. Mais ma grande fierté est d’avoir réussi à inverser les rôles et le sens de la transmission des savoirs puisqu’en janvier, ce sont ces élèves, dits en difficultés, qui sont devenus “profs de surf sur Internet“ pour quelques aînés de notre association, qui abordent l’informatique avec beaucoup d’angoisses. Cette toute nouvelle action originale et innovante a été une véritable réussite et confirma la confiance que j'ai dans leur capacité à transmettre ce qu'ils savent faire. Et la presse fut bien là pour mettre à l'honneur ces élèves si souvent dénigrés.

Aide à la lecture

            La passion des voyages a certainement été engendrée par le fait qu’en 1966, ma femme et moi avons démarré notre vie de couple comme enseignants-coopérants au Lycée de Kasserine, en Tunisie (haut lieu de la « Révolution du jasmin » l’année dernière) d’où nous sommes revenus trois ans après, avec notre fils Olivier, né là-bas. Alors se sont succédés des voyages-souvenirs plusieurs fois en Tunisie (le dernier en octobre 2011). De nombreux voyages touristiques au Mexique, au Maroc, en Andalousie, en Egypte ou en Toscane. Ou encore des voyages influencés par nos engagements politiques à Cuba, au Chili pour retrouver des amis retournés au pays. Et pour ma part, un voyage exceptionnel au Nicaragua, durant l’été 1983, où je suis allé soutenir la jeune Révolution sandiniste, en finançant et en participant à la reconstruction d’une école, avec 5 autres “brigadistes“ du Nord. Deux carnets de notes attendaient patiemment dans mon bureau, que j’en fasse un écrit. Et c’est Christophe Renaud à qui je révélais leur existence qui m’a aiguillonné lors de notre entretien : « Qu’attends-tu pour réaliser ce que tu t’étais promis de faire ? ». Alors, piqué au vif, je m’y suis mis et après quelques mois, mon “Journal témoignage“ a vu le jour et il n’attend plus qu’à être publié. J’ai eu un contact qui n’a pas encore été concrétisé ; mais je ne perds pas espoir. En tout cas, si des personnes parmi vous sont intéressées, contactez l’AFPG qui vous donnera mes coordonnées et je pourrai vous le transmettre en format PDF.

            Et puis, la passion de la photographie est venue de tous ces voyages ou séjours que nous faisons. Au retour, il me faut trier des centaines de photos pour réaliser ensuite des albums que je pagine moi-même et que je fais imprimer par des sites sur Internet. Ils intéressent beaucoup de monde : famille, amis, et aussi ma voisine qui est coiffeuse. Un jour, elle m’a demandé si je voulais bien en laisser quelques-uns dans son salon car ils devraient intéresser ses clientes. C’est ce qui se produisit. Et, il y a un an, nous avons même créé un événement relayé par la presse, en organisant une exposition d’une vingtaine de mes photos sur le thème “Du côté de chez nous“ (photos de la région). Cet événement a suscité un plaisir partagé : le sien, le mien, et celui de ses clientes dont elle dit que cette exposition a fait évoluer leurs conversations autour de ces photos. D’autres ont suivi sur d’autres thèmes : Florilège, La scène est dans la rue, Flâneries parisiennes (à l'occasion de l'ouverture du sublime Louvre-Lens que je vous invite à venir visiter), et la dernière : Enfants de tous pays (portraits).

            Voilà donc ce qui remplit et positive ma vie. C’est grâce à ces contacts, ces relations amicales, ces échanges intergénérationnels très riches que je trouve la force et l’envie d’avancer, en construisant constamment de nouveaux projets personnels ou collectifs qui me “boostent“.

            Vivre à fond l’instant présent avec autrui, pour ouvrir de plus en plus largement les portes de l’avenir. Voilà quelle pourrait être ma devise.

Jean-Claude H.

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