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L’A.F.P.G. « Ensemble contre le GIST » en tournée européenne pour « relever le défi de l’observance dans les cancers traités par thérapies orales ».

Depuis la parution et le succès inattendu de la brochure « l’observance au traitement : devenir acteur de sa prise en charge thérapeutique au quotidien » désormais traduite en 12 langues, la réflexion et le travail menés par l’A.F.P.G. autour de l’observance a permis à notre association d’acquérir une certaine reconnaissance internationale qui lui confère désormais un statut d’expert dans cette thématique dont elle a fait son principal cheval de bataille pour l’avenir…

En effet, si les difficultés d’observance demeurent à ce jour un sujet tabou tant pour les patients qui peinent à exprimer ces « passages à vide » dans leur parcours thérapeutique, que pour les professionnels de santé qui tendent à limiter ces phénomènes à de simples problèmes de mémoire ou de gestion des effets secondaires, il n’en demeure pas moins que diverses études évaluant l’observance chez les patients GIST et LMC traités par imatinib ont permis de mettre en évidence :

➢ un déclin progressif de l’observance sur le long terme.

➢ qu’environ ¼ des patients ne prendraient pas rigoureusement leur traitement.


Or, si ces constats ne suscitent pas encore de réelles inquiétudes au sein de la communauté médicale, ils restent cependant très préoccupants pour les associations de patients qui s’inquiètent de voir de plus en plus de malades exposés à des risques de rechute ou de progression de leur maladie par manque d’un accompagnement réfléchi et individualisé…
Cependant, avec le développement constant de thérapies ciblées souvent très coûteuses , tout porte à croire que la lutte contre les problèmes d’observance deviendra, dans l’avenir , l’une des préoccupations majeures des systèmes de santé, ne serait-ce que de par les importants enjeux économiques que ces difficultés sous-tendent en termes de consultations, d’examens médicaux et de prescriptions supplémentaires, etc…

Dès lors, il nous appartient d’anticiper et de réfléchir ensemble : patients, institutions et professionnels de santé, sur les moyens à mettre en œuvre pour maintenir une observance optimale chez les patients atteints de cancers, traités par thérapies orales.

Forte de son expertise sur le sujet, l’A.F.P.G. « Ensemble contre le GIST » se présente désormais comme un interlocuteur de choix dans ce domaine. Ainsi, depuis novembre 2009, notre association a-t-elle été sollicitée pour intervenir dans le cadre de trois colloques destinés au public infirmier et organisés au cours d’importants congrès infirmiers et/ou de cancérologie européens :

20 novembre 2009 : ECCO/ ESMO (Berlin, Allemagne)
21 mars 2010 : EBMT Nurses symposium (Vienne, Autriche)
15 avril 2010 : EONS Nurses symposium CE (La Haye, Pays-Bas)

Ces colloques intitulés « Relever le défi de l’observance dans les cancers traités par thérapies orales » poursuivaient trois objectifs majeurs :

1. Sensibiliser le public infirmier aux difficultés d’observance rencontrées par les patients

2. Valoriser le rôle des infirmières dans la détection des facteurs de faible observance, mais aussi dans le maintien d’une observance optimale chez les patients atteints de cancers traités par thérapies orales.

3. Amorcer une discussion sur les stratégies de remédiation possibles.


Dans cette optique, et dans un souci de coller au plus près de la réalité, ces colloques se sont attachés à traiter la thématique de l’observance en croisant les regards :

➢ D’un médecin : le Pr Lucien Noens, Professeur en Hématologie, Université de Gant, Belgique.
➢ D’une association de patients : Estelle Lecointe, Présidente d'« Ensemble contre le GIST », Rennes, France.
➢ D’une infirmière : Monica Fliedner, infirmière spécialisée en oncologie, Université de Berne, Suisse.

Le point de vue des médecins : Pr Lucien Noens, Université de Gant (Belgique)

Le Pr Noens présentait le bilan de l’étude prospective Belge « ADAGIO » (Adherence Assessment with Gleevec : Indicators & Outcomes) réalisée en 2008.

L’objectif principal de cette étude était d’évaluer, sur une période de 90 jours, la prévalence de mauvaise observance thérapeutique chez les patients atteints de Leucémie Myéloïde Chronique, traités par Imatinib.

Menée à partir de questionnaires distribués aux patients, l’étude ADAGIO consistait notamment à :

- mieux comprendre dans quelles mesures différents facteurs pouvaient être impliqués dans divers profils de mauvaise observance ;

- savoir si la réponse thérapeutique pouvait être corrélée au niveau d’observance.


Dans cette optique, 202 patients répartis sur 43 centres de soins belges avaient été recrutés pour participer à l’étude. 169 patients ont pu la mener à terme.

Contre toute attente, les résultats ont mis en évidence un niveau d’observance bien plus mauvais que ce qu’avaient pu croire les médecins, mais aussi les patients eux-mêmes ; les questionnaires révélant en effet que :

- 1/3 des patients étaient « non-observants »(71% prenant moins que la dose prescrite à des fréquences variées, tandis que 14, 8% prenaient un dosage supérieur à celui préconisé).

- Seuls 14,2% des patients étaient parfaitement observants, prenant strictement les 100% d’imatinib prescrits par leur médecin (sans interruption, ni modulation de dosage).


Le comptage des pilules de l’ensemble des patients (en sur ou sous-dosage) révéla par ailleurs que seul 1 patient sur 7 serait parfaitement observant

Ainsi que les scientifiques l’avaient envisagé, le lien entre réponse thérapeutique et observance a pu être confirmé, les taux de réponse à l’Imatinib les plus bas étant observés chez les patients présentant des difficultés d’observance.

L’étude ADAGIO a notamment permis de comprendre que certains facteurs tels que : un âge avancé, un mauvais état général, une mauvaise qualité de vie, un temps d’exposition prolongé à la maladie et à l’Imatinib, les hommes vivant seuls, doivent être considérés comme autant de facteurs potentiels de mauvaise observance devant impérativement retenir l’attention des équipes soignantes.

Sur ces constats, le Pr Noens conclut sur la nécessité d’une évaluation rigoureuse « en routine » de l’observance des patients atteints de LMC, traités par thérapies ciblées.
 

<img data-cke-saved-src="/sites/default/files/medias/images-actus/p1020235_modifie_1.jpg\" src="/sites/default/files/medias/images-actus/p1020235_modifie_1.jpg%5C" style="\&quot;float:" left;="" margin:0="" 10px="" 0;"=""> Le point de vue d’une association de patients : Estelle Lecointe, Présidente de l’A.F.P.G. « Ensemble contre le GIST » (France).

Constat est fait qu’en dépit d’un traitement des plus révolutionnaires dans le domaine de l’oncologie, les difficultés d’observance sont également une réalité dans le domaine des tumeurs solides traitées par thérapies ciblées. S’appuyant sur l’exemple des GIST, Estelle Lecointe souligne en effet plusieurs points faibles dans l’appréhension de ce phénomène :

• La forme galénique extrêmement simplifiée de l’Imatinib, son incomparable efficacité sur l’activité tumorale et les faibles effets secondaires apparaissent à tort, aux yeux de nombre de praticiens, comme des facteurs prédictifs d’un niveau d’observance optimal.

• Les origines de l’inobservance sont encore sous-estimées par les médecins qui les relient généralement à de simples difficultés de gestion des effets secondaires alors que ce motif n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg…

• Les difficultés d’observance demeurent un sujet tabou tant du côté des médecins que des patients. Les taire, les ignorer, c’est aussi un moyen de ne pas les rendre réelles et de ne pas s’y confronter…

Or…

Le fait de disposer d’un traitement efficace peu contraignant, nettement moins toxique que la plupart des chimiothérapies conventionnelles n’est en rien un argument suffisant pour convaincre un patient d’adhérer ou non à une thérapie sur le long terme. Cela serait évidemment trop simple !

Si l’instinct de survie conduit généralement les patients à se plier aux strictes recommandations médicales dans la période « traumatique » qui suit le diagnostic, les études réalisées jusqu’à lors démontrent clairement un déclin de cette acceptation au fil du temps, chez nombre d’individus.

Tout comme la vie est faite de hauts et de bas, l’observance au traitement, loin d’être linéaire, est fluctuante et soumise à un juste équilibre entre trois paramètres :

1. Le niveau de contraintes thérapeutiques

2. Les bénéfices cliniques

3. La qualité de l’environnement du patient et de son projet de vie


Les témoignages recueillis par les associations mettent en évidence un lien très fort entre le niveau d’observance et la possibilité d’accomplissement d’un projet de vie par le biais de la thérapie.
Si le traitement apparaît comme le vecteur incontournable à l’aboutissement d’un projet de vie solide, construit et partagé (se marier, voir grandir ses enfants, réaliser un rêve, etc…) alors, les patients se plient volontiers aux contraintes thérapeutiques et en acceptent les divers sacrifices qui peuvent en découler.
En revanche, la situation diffère lorsqu’ une « rupture » survient dans le déroulement du dit-projet (divorce, décès d’un proche, désir de maternité inassouvi, licenciement, etc…) et que le traitement n’est plus qu’un obstacle à l’accomplissement personnel : là débutent le plus souvent les difficultés d’observance…

Malheureusement, ces troubles sont généralement détectés sur le tard car ils sont fréquemment « dissimulés » par les malades en proie à une culpabilité légitime. Néanmoins, contrairement à ce qu’il serait facile de penser, les comportements d’inobservance ne sont pas toujours des actes délibérés et traduisent généralement une incapacité à gérer seul un « trop plein » de difficultés. C’est pourquoi ils doivent être considérés comme de véritables « appels au secours » et « traités » dans le cadre d’une démarche collective impliquant à la fois le patient, l’équipe soignante mais aussi les proches du malade car un individu confronté à une inobservance chronique ne pourra que très difficilement se sortir seul de cette spirale…

Selon les associations de patients, le développement des thérapies orales suggère une évolution de la prise en charge de ces malades qui se voient confier, dans une période de fragilité psychologique, une responsabilité thérapeutique qu’ils n’ont pas toujours souhaitée, à laquelle ils ne sont pas toujours très bien préparés et pour laquelle ils ne se sentent pas toujours très bien accompagnés…Il y va de la santé du patient mais il y va également d’un problème qui deviendra à terme un enjeu de santé publique car un patient non observant est aussi, le plus souvent, un patient qui consulte davantage que la moyenne…

Selon l’A.F.P.G. « Ensemble contre le GIST », le problème principal réside dans l’appréhension tardive des problèmes d’observance qui ne commencent à être suspectés par les médecins qu’à l’apparition des premiers signes de progression de la maladie, d’une aggravation de l’état général du malade ou d’un mauvais taux plasmatique, alors que les premiers troubles se sont déjà installés depuis plusieurs semaines/mois.
En dehors de ces constats préoccupants, l’évaluation de l’observance se limite le plus souvent à la fameuse question : « Prenez-vous bien votre traitement ? », à laquelle la plupart des patients répondront immanquablement par un « oui » laconique, que cela soit ou non le reflet d’une certaine réalité…

Pourtant, l’A.F.P.G. « Ensemble contre le GIST » estime que les risques de faible observance pourraient être évalués dès le démarrage du traitement, par le biais d’un entretien préliminaire mené par une infirmière spécifiquement formée pour ce type d’accompagnement.
Cet entretien mené au jour 1 de la thérapie permettrait de :

• mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit le démarrage du traitement,
• détecter ainsi les facteurs potentiels de faible observance,
• proposer au patient un programme d’accompagnement personnalisé.


Après accord du malade, le suivi serait ensuite formalisé dans le cadre d’une « consultation d’observance », menée par l’infirmière, en parallèle de la consultation oncologique habituelle ou à fréquence définie avec le patient en fonction des besoins exprimés.

En assurant ainsi la fonction de lien manquant entre l’hôpital et la maison, l’infirmière référente offrirait une présence rassurante qui permettrait aux patients de désamorcer et/ou de résoudre certaines situations critiques, mais aussi aux équipes soignantes de réduire les risques de progression ou de récidive liées aux comportements d’inobservance.

Bien sûr, tout cela n’est encore qu’utopie mais l’A.F.P.G « Ensemble contre le GIST » reste convaincue de la nécessité d’un tel dispositif et du rôle crucial qu’auront à jouer les infirmières dans sa mise en place future. Aussi, nous ne renonçons pas à ce projet et interviendrons régulièrement auprès des différentes institutions pour promouvoir cette action que nous considérons comme essentielle dans le parcours de soins des malades du cancer traités par thérapies ciblées.
 

Le point de vue des infirmières : Monica Fliedner, présidente du réseau infirmier de l’EBMT (Association Européenne pour la transplantation de sang et de moelle osseuse), infirmière spécialisée en oncologie, Université de Berne, Suisse.

En tant qu’infirmière, Monica Fliedner a présenté les différentes options mises à disposition des équipes soignantes pour aider les patients traités par thérapies ciblées, ainsi que leurs proches, à gérer au mieux la prise quotidienne du traitement.

S’appuyant sur son expérience professionnelle, Monica Fliedner confirme dans un premier temps que l’observance n’est pas uniquement une affaire de bonne mémoire ou de bonne gestion des effets secondaires mais serait effectivement soumise à l’équilibre d’un ensemble de paramètres identifiés comme suit :

• La motivation du patient à se traiter (la fameuse « bonne raison ») ;

• Ses croyances en matière de santé (notamment en la vertu bienfaitrice du traitement) ;

• Le maintien de certaines de ses habitudes de vie.


Aussi, pour s’assurer d’un niveau d’observance optimal les équipes soignantes doivent-elles privilégier des approches, des outils qui faciliteront la mise en place et/ou le maintien de cet équilibre. En outre, elle insiste fortement sur le fait que ces méthodes, ces outils doivent être utilisés dans le cadre d’un « contrat thérapeutique » préalablement défini entre le médecin et le patient. Ce contrat qui repose principalement sur l’échange d’informations permettra :

au médecin, de mieux cerner les difficultés de son patient ;

au malade, d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires à la conduite autonome de sa thérapie sur le long terme.


Si différents outils d’évaluation de l’observance tels que l’examen clinique, les tests sanguins, urinaires, salivaires, le comptage des comprimés, les puces électroniques insérées au dos des blisters sont désormais à disposition des équipes soignantes, il n’en demeure pas moins que le maintien de l’observance relève d’une démarche d’éducation nécessaire plaçant obligatoirement le patient au cœur du dispositif mais engageant également l’ensemble des acteurs (médecins, infirmières, proches) impliqués dans son parcours de soins.