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Extrait de « Sarcomes et GIST » Axel Le Cesne, Institut Gustave Roussy (Villejuif)

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La mort confirmée de l’immunothérapie, le déclin des chimiothérapies et le développement considérable des thérapeutiques ciblées dans tous les domaines de l’Oncologie Médicale résument en quelques mots les grandes lignes de l’ASCO 2006.
Comme ces dernières années, les sarcomes/GIST font toujours recettes, le troisième « proof of concept », après l’imatinib (glivec®) dans les GIST et dans les dermatofibrosarcome protubérans, étant attendu avec impatience.

I - Tumeurs stromales (GIST)

Six ans environ après le traitement du premier patient par imatinib (glivec®), l’engouement autour des GIST est toujours aussi vif et le couple KIT/GIST toujours aussi jeune et dynamique!

Les enseignements de cet ASCO peuvent se résumer de la façon suivante :

· Les données sur la réponse et sur la survie de l’étude pionnière (étude B2222) qui a servi à l’enregistrement de l’imatinib il y a maintenant 4 ans ont été actualisées (Blanke et al, abstract 9528).
Après une médiane de follow-up de 52 mois, la médiane de survie a été désormais atteinte, elle est de 58 mois (248 semaines) pour les 147 patients inclus dans cette étude, avec, comme attendu, des différences considérables selon la nature des mutations de KIT : 36 semaines pour les patients ayant un GIST wild-type (pas de mutation retrouvée), 192 semaines (42 mois) pour les patients ayant un GIST muté sur l’exon 9 et une médiane de survie non atteinte pour les patients ayant un GIST muté sur l’exon 11 (67% des patients). Il n’existe toujours aucune différence de survie entre les 2 bras thérapeutiques (400 versus 600 mg par jour de glivec®). La durée médiane de la réponse chez les répondeurs (RC et RP selon les critères RECIST, 68% des patients)est de 27 mois, 50% des patients ayant atteint une réponse objective dans les 3 premiers mois de traitement et 75% dans les 23 premières semaines. La cinétique de la réponse n’a aucune influence sur la survie, les patients développant une réponse partielle pour la première fois à 2, 4, 6 ou 9 mois ayant exactement le même devenir (survie sans récidive et surie globale) dans l’étude Intergroupe coordonnée par l’EORTC (Le Cesne et al, abstract 9510). Pas de réactualisation cette année des deux études randomisées (400 vs 800 mg).

· Les critères de réponses radiologiques observées sous imatinib (et vraisemblablement applicables aux autres inhibiteurs anti-tyrosine kinases) sont totalement à revoir ou à repenser !
Les patients ayant une réduction d’au moins 10% du volume tumoral (analyse unidimentionnelle selon les critères RECIST) après 2 ou 4 mois de glivec® ont exactement le même devenir que les patients ayant une réponse complète radiologique. Et après 6 mois de traitement, les patients ayant une maladie stable (réduction de moins de 30% jusqu’à une augmentation de 20% du volume tumoral selon les critères RECIST) ont également une survie identique (environ 70% à 3 ans) aux patients ayant une réponse objective (RC et RP) (Le Cesne et al, abstract 9510). L’imatinib ne doit donc pas être arrêté ou augmenté en cas de progression tumorale de moins de 20% après 6 mois de traitement ! Le couplage d’une imagerie fonctionnelle (diminution de la densité tumorale d’au moins 15%) au scanner conventionnel dans les premiers mois de traitement (diminution de 10% du volume tumoral) permet de mieux identifier, dans la cohorte des patients ayant une maladie «stable», ceux qui doivent être considérés comme répondeurs de ceux qui vont progresser rapidement (Benjamin et al, abstract 9506) L’apport de l’écho-doppler avec perfusion de Sonovue associé à un logiciel de perfusion (Lamuraglia et al, abstract 9539) permettra certainement encore mieux d’individualiser les vrais répondeurs à l’imatinib des mauvais, et ce, de façon précoce. Une diminution de plus de 15% de la prise de contraste intratumorale dès le J15 est hautement prédictif de la sensibilité au glivec® alors qu’une nouvelle prise de contraste dans une cible tumorale « éteinte » jusque là est hautement prédictif d’une résistance secondaire. Ces nouveaux critères de réponse radiologique (Choi criteria pour le scanner et Lassau criteria pour l’echo-doppler/scanner) vont être soumis prochainement aux instances nationales de santé.

· L’étude BFR14 a été une nouvelle fois été à l’honneur à l’ASCO (troisième année consécutive, certainement pas la dernière !)
Le devenir des 99 patients ayant été inclus dans cette étude sans maladie résiduelle mesurable (les Very High Risk of relapse selon les scandinaves), après l’exérèse de la tumeur primitive et d’une ou plusieurs métastases hépatiques/péritonéales, a été analysé (analyse comparative avec 54 patients avec maladie résiduelle en place (exérèse R2 initiale) (Bui et al., abstract n°9501). Les patients ayant été randomisés dans le bras arrêt du traitement après un an de glivec® n’ont bien entendu pas été retenus dans l’analyse. Après un suivi médian de 2 ans, la survie sans progression à 2 ans des patients opérés initialement est de 55% versus 52% pour la population « témoin » (p=0.53) et la survie à 2 ans est respectivement de 83% et 70% (p=0.23). Les patients qui bénéficient le plus d’une chirurgie initiale sont les GIST gastriques et les patients présentant des métastases hépatiques. Les seules critiques qui ont été soulevées de cette analyse comparative provient d’un léger déséquilibre dans les caractéristiques des patients retenus dans les deux cohortes de patients : significativement plus de GIST de l’intestin grèle dans le groupe opéré (de moins bon pronostic, 20% d’exon 9 dans cette population). Un message est cependant clair : il n’est plus nécessaire au moment du diagnostic initial ou lors d’une rechute abdominale (sarcomatose) d’essayer à tout d’obtenir sur le plan chirugical une exérèse R0 avant la misez en route du glivec®, geste qui ne modifie en rien le pronostic à long terme de ces patients. Il sera intéressant d’apprécier le devenir de ces deux cohortes de patients après leur randomisation à 3 ans entre arrêt et poursuite du glivec®.

· Faut-il opérer les patients de leurs masses résiduelles sous Glivec® malgré la présentation clinique initiale souvent défavorable (métastases hépatiques, sarcomatose ou les deux) ? (Hohenberger et al, abstract n°9500). La réponse est indiscutablement non dans un contexte de progression tumorale générale sous Glivec® (42 patients analysés) avec une médiane de survie sans re-progression de 3 mois après une chirurgie souvent incomplète (exérèse R2 dans 74% des cas et une mortalité à 30 jours de 8%).

La réponse est possiblement oui chez certains patients selectionnés (à discuter au cas par cas) ayant une progression localisée (nodule dans la masse, résistance partielle) avec une médiane de survie sans re-progression de 8 mois (13 patients analysés), et ce malgré une exérèse le plus souvent complète de la métastase (exérèse R0 dans 85% des cas) qui peut d’ailleurs être plus ou moins associé à une radio-fréquence (Nishida et al, abstract 9548).

La réponse est vraisemblablement oui chez les patients répondeurs à l’imatinib (44 patients analysés) avec une médiane de survie sans re-progression de 11 mois et même de 16 mois pour les 72% de patients qui ont bénéficié d’une exérèse R0 avec un taux de mortalité nulle...
Une confirmation de l’ASCO précédent, il faut reprendre le glivec® en post-opératoire à la même dose (8 rechutes sur 14 de ces patients n’ayant pas poursuivi en post-opératoire l’imatinib). Il n’en reste pas moins que, par rapport à la mise en route du glivec®, le PFS médian des patients opérés en situation de réponse est de 22 mois (11 mois en médiane de durée de traitement avant l’intervention chirurgicale et 11 mois au décours), soit une médiane de survie sans progression en tout point superposable au devenir des patients non opérés ! Même si le bénéfice d’une intervention chirurgicale semble prometteur chez les patients opérés de façon optimale (R0), seule une étude randomisée (sur des patients devenus opérables) entre chirurgie versus pas de d’exérèse des masses résiduelles permettra de statuer définitivement sur cette question qui mérite d’être posée (en cours d’élaboration). A noter que les progressions locales représentent 36% des progressions sous imatinib et que l’acquisition d’une nouvelle mutation en cas de résistance partielle semble plus fréquente qu’en cas de progression générale où les GIST gardent plutôt leur mutation initiale (Hartmann et al, abstract n°9541).

· Moins que les années précédentes, les GIST résistants au glivec® n’ont fait l’objet que de quelques communications. La plus pertinente était encore une fois celle de Heinrich (Heinrich et al, abstract 9502). Le statut mutationnel de KIT/PDGFR influence, on le sait, la réponse à l’imatinib (ASCO 2004 et 2005), mais également la réponse au sunitinib (Sutent®, Pfizer). Le bénéfice du sunitinib a été analysé l’année dernière sur le statut mutationnel initial de KIT/PDGFR (avant la mise en route de l’imatinib, 76 biopsies tumorales). Celui-ci était significativement supérieur chez les patients présentant un GIST muté sur l’exon 9 et sur les GIST « wild-type » (médiane de survie sans progression de 13 à 15 mois) que chez les patients ayant un GIST muté sur l’exon 11 (5 mois, p

· Dans la guerre des inhibiteurs tyrosynes kinases possiblement efficaces en 2ème ligne thérapeutique, le sunitinib (SU11248, sunitinib malate, Sutent®) est le pan-tyrozyne kinase le plus développé et le plus prometteur actuellement dans les GIST réfractaires, résistants ou intolérants à l’imatinib (comme dans le cancer du rein, séance plénière de l’ASCO 2006). Approuvé par la FDA il y a quelques mois aux US, il va obtenir son AMM dans les mois qui viennent en Europe. Et va certainement obtenir en fin d’année son AMM dans les GISTs résistants. Plusieurs communications, outre la précédente, ont porté sur le sunitinib :

- Confirmation de l’efficacité du sunitinib sur une cohorte (ATU) de 268 patients traités selon le schéma AMM on/off 4 semaines de traitement, 2 semaines d’arrêt (Morgan et al, abstract n° 9540) avec 1 CR, 14% de PR et 63% de maladie stabilisée sur 162 patients évaluables pour la réponse et une médiane de re-progression de 3 mois.

- L’étude de phase III (SU11248 versus placebo, 2 patients versus un, schéma AMM) a été réactualisée avec un follow-up supplémentaire d’un an par rapport à l’année dernière (Casali et al, abstract n°9513). Le nombre de cycles médian est de 6 cycles par patients. La dose de sunitinib a été réduite chez 25% des patients pour des raisons de toxicités, principalement fatigue, diarrhées, nausées, syndrôme palmo-plantaire et hypertension. Positive pour la survie l’année dernière (Demetri, ASCO 2005), en faveur du bras sunitinib, la survie entre les 2 groupes a perdu sa significativité en raison, bien entendu, du cross-over prévu par le protocole en cas de progression tumorale documentée des patients ayant reçu le bras placebo (59 patients évaluables ayant reçu le produit actif secondairement). Le profil de toxicité et d’efficacité du sunitinib est identique dans les 2 groupes de patients (produit actif versus placebo)…même si certains patients sont décédés avant de recevoir le produit actif…A noter, une toxicité certainement sous-évaluée chez nos patients sous sunitinib, une hypothyroidie qui survient chez 37% des patients suivis de façon prospective et 57% des patients analysés rétrospectivement (Schoffski et al, abstract n° 3092).

- Le schéma thérapeutique on/off du SU11248 n’est certainement pas optimal. L’effet « flare-up » déjà décrit au PET-San à l’arrêt du glivec® se voit également, et de façon répétée à chaque cycle de SU11248, les patients perdant une partie du bénéfice clinique et radiologique pendant les 15 jours d’arrêt (ASCO 2005, Van den Abeele et al. Abstract 9006). Cet effet rebond semble se maintenir dans le temps puisque 2 patients sur 4 ayant reçu plus de 3 ans de traitement (35 cycles en moyenne) présentent encore cet effet « yo-yo » au PET-scan (Rault et al, abstract n° 9547)

- C’est certainement le schéma continu qui sera adopté dans les mois ou années qui viennent, à la dose de 37.5 mg par jour. Soixante et un patients ont été inclus dans une étude de phase II internationale qui s’est terminée il y a quelques semaines. Le profil de toxicité est nettement plus favorable qu’avec le schéma AMM, notamment sur les grades 3 (8% de diarrhées, 8% de fatigue et 15% de neutropénie) et tout aussi efficace , semble t’il sur les 17 premiers patients évalués (13 maladies stabilisées dont 2 PR non confirmées). Le nombre médian de cycles de 6 semaines administrés est actuellement de plus de 4 (George et al, abstract n°9532).

- Confirmation de l’efficacité du sunitinib dans les GIST WT, mais surtout possibilité de son l’administration chez les enfants (tous avec un GIST WT pour KIT ou mutation PDGFR) avec un toxicité et une efficacité similaire (2 réponse PET/3) à celle observée chez l’adulte.

- Pratiquement aucune communication sur les autres TKI en cours de développement sauf le PKT787/ZK et l’AMN107 des laboratoires Novartis:

1) Le PKT787/ZK (Valatinib) est un pan-inhibiteur des TK (Kit, PDGFRs, VEGFR1 et 2) qui, utilisé chez des patients ayant un GIST résistant à l’imatinib, donne des résultats excessivement prometteurs avec 67% de bénéfice clinique (15 patients) dont 2 réponses partielles et un temps médian jusqu’à la progression de 9 mois, avec une toxicité tout à fait acceptable (Joensuu et al, abstract n° 9531) ;

2) l’AMN107 (Nilotinib) est également un inhibiteur tyrozyne kinase de 2ème génération actif sur KIT, PDGFR et Bcr-Abl (d’où son développement initial dans la LMC). Dix huit patients présentant un GIST résistant (à 800mg/j) ou intolérants à l’imatinib ont reçu du nilotinib seul (800mg/j) et 19 patients une association d’imatinib (400mg/j) avec le nilotinib administré à doses croissantes (de 200 à 800mg/j). Des stabilisations tumorales (70% environ), avec une amélioration du PET-Scan dans 50% des patients environ à un mois (Van Den Abbele et al, abstract n°3087), ont été observées dans toutes les cohortes de patients (Reichardt et al, abstract n°9545). La tolérance du nilotinib seul est excellente (pratiquement aucune toxicité de grade 3) et la toxicité limitante de l’association nilotinib (800mg/j) imatinib (400mg/j) est cutanée (3 épisodes de grade 3 sur 5 patients). Cette association ne modifie pas les paramètres pharmacocinétiques des 2 anti-tyrozynes kinases.

· Pour être définitivement complet dans la thématique GIST cette année à l’ASCO, à noter :

· 1) l’incidence plus élevée des métastases non abdominales/non hépatiques en cas de GIST localement avancée au diagnostic. Les patients ayant un GIST de plus de 12 cm développent plus souvent des métastases pulmonaires et/ou osseuses que les patients ayant un GIST de plus petite taille (Aliberti et al, abstract n°9546). Il s’agit d’une confirmation des résultats observés dans l’étude Intergroupe de l’EORTC (N=946 patients) qui était la première à avoir établi des facteurs pronostiques de réponse, de toxicité, de résistance primitive/secondaire et de survie sans progression au Glivec® (Van Glabbeke, ASCO 2003 et CTOS 2004, JCO 2005) ;

· 2) L’expression ou non de la E-cadherine serait un facteur pronostique indépendant (p

· 3) Deux cent vingt huit patients atteints de GIST nouvellement diagnostiqués aux US ont été recensés dans un registre prospectif à partir de janvier 2005 (Trent et al, abstract n°9543). Deux informations intéressantes : l’utilisation du PET-scan chez moins de 2% des patients américains ! et une atteinte ganglionnaire plus fréquente qu’attendue par les études rétrospectives (18%).

· 4) Quinze membres d’une même famille (sur trois générations) ont développé un GIST : ces GIST se caractérisent par : des GIST primitifs multiples au niveau de l’intestin grêle, une hyperpigmentation cutanée, une hypertrophie du plexus mésentérique et une déletion du codon 579 de l’exon 11 de KIT dans les cellules normales (mutation constitutionnelle) (Kleinbaum et al, abstract n°9527).

· 5) la compliance ou observance des patients vis à vis de l’imatinib sur une année n’est pas excellente, aussi bien dans les GIST (73%) que dans la LMC (78%). Seul un patient sur 2 prend réellement et régulièrement l’imatinib de façon quotidienne. Nul doute qu’une meilleure observance permettrait de limiter les résistances secondaires sous-tendues par des modifications pharmacocinétiques/pharmacodynamiques (Tsang et al, abstract n°6119).