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ASCO 2011 : Extrait de "SARCOMES des TISSUS MOUS & GIST"-Dr Axel Le Cesne, Institut Gustave Roussy (Villejuif).

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Les sarcomes/GIST ont fait l’objet de 5 séances entières, dont une séance plénière, et plusieurs sessions parallèles. Ces dernières sont toujours aussi riches et les discussions aussi scientifiquement relevées. L’ASCO 2011 comportait cette année de grands scoops aussi bien dans les GIST que dans les sarcomes des tissus mous.

Tumeurs Stromales Gastro Intestinales (GIST)

Onze ans après le traitement du premier patient par imatinib (Glivec®), l’engouement autour des GIST et du concept des thérapeutiques ciblées dans cette pathologie est toujours aussi exceptionnel, avec des sessions entières sur cette entité pourtant rare. Les enseignements de cet ASCO 2011 sur les GIST peuvent se résumer de la façon suivante :

1. En situation adjuvante :

Les résultats de l’étude germano-scandinave (AIO) étaient très attendus car pouvant modifier un standard thérapeutique. Ils ont été présentés en séance plénière, 10 ans après celle de 2001 révélant au monde entier l’activité révolutionnaire du STI571 (imatinib, glivec®) sur quelques patients (phase 1) atteints de GIST avancés. En avance sur le temps, cette étude bâtie en 2003 avait déjà anticipé sur la question de l’intérêt de l’imatinib en situation adjuvante dans les GIST à haut risque de rechute puisqu’il n’y avait aucun bras placebo (comme celle de l’ACOSOG) ou sans traitement (comme celle de l’EORTC). La question principale étant de mieux connaître sa durée optimale en post-opératoire. Rappelons que le libellé de l’extension d’AMM (2008) stipulait que la durée optimale de l’imatinib en situation adjuvante demeurait inconnue car il était probable qu’une année de traitement ne serait pas suffisante pour empêcher (seulement la retarder) le développement de rechute après l’exérèse d’un GIST à haut risque de rechute. Cette étude comparait une année à trois ans d’imatinib dans les GIST à haut risque de rechute selon la classification de Fletcher de 2002, mais comportant aussi les patients ayant une rupture tumorale pré ou péri-opératoire (Joensuu et al, abstract n° 1). L’imatinib devait être débuté dans les 3 mois qui suivaient l’intervention chirurgicale (exérèse R0 ou R1).

Les résultats se passent de commentaires :

  • 400 patients (200 dans chaque bras) ont été inclus entre février 2004 et septembre 2009, 24 d’entre eux ont été exclus de l’analyse sur l’efficacité en raison de métastases au moment de l’inclusion. Les caractéristiques phénotypiques et génotypiques (92% des patients ont eu une analyse mutationnelle) sont identiques dans les 2 bras thérapeutiques.
  • Après un suivi médian de 54 mois, 42 évènements (rechute ou décès) sont observés dans le bras 1 an versus 25 dans le bras 3 ans : la survie sans progression (PFS) à 3 ans est de 86.6% pour le bras court (un an d’imatinib) contre 60.1% pour le bras long (3 ans d’imatinib). A 5 ans, en intent-to-treat (ITT), elle est à 65.6% vs 47.9% : la différence est hautement significative pour le bras long (p<0.0001). (figure 1)
  • Tous les sous-groupes de patients bénéficient de cet avantage sauf peut-être les patients ayant un GIST muté au niveau de l’exon 9 de KIT et les GIST WT (mais compte tenu du faible nombre de patients, l’intervalle libre est excessivement large).
  • Cet avantage en PFS se traduit également par un avantage sur la survie : non significativement différente à 3 ans, elle devient significative à 5 ans avec une survie de 92% pour les patients inclus dans le bras 3 ans, contre 81.7% pour le bras 1 an (p=0.019). Quatorze décès liés au GIST sont observés dans le bras 3 ans contre 7 dans le bras 1 an.
  • En terme de toxicité, l’incidence des grades 3-4 est significativement augmentée dans le bras 3 ans (p=0.006) ainsi que le taux d’interruption de l’imatinib (p=0.001).

 

Quelles sont les conclusions de cette étude et quelles vont être les conséquences sur la prise en charge des patients?
 

1) Il est indéniable que cette étude vient modifier un standard thérapeutique car il est désormais acquis que les GIST à haut risque de rechute doivent recevoir un traitement adjuvant par imatinib, 400 mg/j, pendant une durée minimale de 3 ans.

2) Sur quelle classification histo-pronostique se base-t-on pour définir ces hauts risques ? : sur celle de Miettinen de 2006. Plus fine et sélective que celle de Fletcher, elle évite aux tumeurs gastriques de plus de 10 cm (incluses dans cette étude) et ayant moins de 5 mitoses/50 HPF de recevoir de l’imatinib pendant 3 ans, alors qu’il s’agit de GIST à risque intermédiaire de rechute. Ces derniers, jusqu’à la preuve du contraire, doivent recevoir de l’imatinib pendant un an.

3) Les GIST ayant une rupture tumorale avant ou pendant l’acte opératoire doivent être considérés comme des patients métastatiques d’emblée : 20% des patients inclus dans l’étude germano-scandinave présentait cette caractéristique. Il va falloir les analyser séparément afin de mieux définir leur devenir, à coté des véritables GIST localisés réséqués. Il est vraisemblable que ces patients nécessitent un traitement à vie (ou jusqu’à résistance, intolérance ou refus du patient).

4) Les GIST à haut risque de rechute représentent environ un tiers de nos patients et le risque de rechute oscille entre 30% et 90% à 5 ans : il va falloir encore mieux définir ce risque pour une meilleure sélection de nos patients : 3 ans d’imatinib pour les GIST compris entre 30 et 50% de risque de rechute, possiblement plus long (à vie ?) pour les patients ayant plus de 50% de risque ?

5) Lorsque l’on analyse attentivement les courbes de survie sans récidive dans le bras placebo de l’étude ACOSO Z9001 (pour les tumeurs de plus de 10 cm), dans le bras un an et 3 ans de cette dernière étude, la pentes de ces courbes sont toutes parallèles, uniquement déplacées dans le temps d’un intervalle lié à la durée de la prise de l’imatinib plus 6 mois environ (le temps de développer une progression RECIST sur une imagerie conventionnelle) : ces constatations sous-entendent que l’imatinib ne permet que de retarder la rechute mais ne l’empêche pas. Toutes les courbes ont tendance à se recroiser dans le temps pour former une ébauche de plateau aux alentours des 50% de rechute, comme si la chirurgie seule permettait de guérir 50% de ces patients à haut risque. Il faut cependant attendre un suivi plus long de ces études pour conclure définitivement sur ce point.

6) Une meilleure caractérisation phénotypique/génotypique de ces patients nous aidera certainement à mieux définir les sous-groupes de patients devant bénéficier d’un traitement adjuvant dans le futur, et ce certainement pour une durée largement supérieure à 3 ans, car si un patient doit rechuter, il rechutera, quelque soit à priori la durée de l’imatinib (en tout cas pour une durée minimale de trois ans). Ces patients devant être considérés comme métastatiques. Rappelons que les patients randomisés dans le bras continu, après 5 ans d’imatinib, de l’étude BFR14 (voire plus loin), ne développent plus de résistance secondaire. Une durée minimale de 5 ans permettrait ainsi de sélectionner une population en situation adjuvante excessivement favorable. L’étude « Persist » (5 ans d’imatinib) est actuellement en cous d’inclusion outre-atlantique.

7) Une méta-analyse de toutes les études adjuvantes (ACOSOG/SSG-AIO/EORTC) terminées et/ou en cours d’analyse devra être effectuée pour identifier surtout les patients pouvant ne pas bénéficier d’un traitement adjuvant possiblement inutile : les GIST ayant une mutation D842V de PDGFR en font certainement partie. Quid des GIST ayant une mutation de l’exon 9 de KIT et des GIST WT ? Actuellement trop peu de patients ont été inclus dans ces études pour porter des conclusions définitives sur ces GIST peu fréquents.

8) Que dire et que faire aux patients qui n’ont reçu qu’un an (ou deux ans, étude EORTC) d’imatinib ? : pour tous ceux qui ont arrêté le traitement il y a un an, aucun argument pour reprendre l’imatinib en l’absence de preuve documentée de rechute ; pour tous ceux qui l’ont arrêté depuis moins de 6 mois, la reprise du traitement est envisageable voir conseillée pendant une durée équivalente à 3 ans au total ; pour ceux entre 6 et 12 mois (durée médiane de la re-progression dans l’étude BFR14) une discussion au cas par cas semble préférable qui pourrait tenir compte de la volonté du patient, du profil psychologique, de l’état général du patient et des tares associés et du statut mutationnel. Un avis dans un centre spécialisé pourrait être utile (RCP de recours) pour ces patients.

9) Les patients étaient suivis tous les 6 mois dans cette étude par scanner abdomino-pelvien. On recommande une surveillance plus rapprochée des patients au décours immédiat de l’arrêt de l’imatinib dans toutes les situations adjuvantes : tous les 3 ou 4 mois dans les 2 ans qui suivent l’interruption de l’imatinib. En effet la différence de mortalité entre les deux bras thérapeutiques pourrait être expliquée en partie par l’importance du volume tumoral au moment de la rechute et donc au moment de la reprise de l’imatinib, volume tumoral qui conditionne la survenue plus ou moins rapide des résistances secondaires.

10) Pendant cette période à venir, où a priori aucune étude industrielle ne doit voir le jour (il faut un bras standard désormais de trois ans d’imatinib !), les groupes nationaux pourraient réunir tous les cas adjuvants pour établir une sorte de registre/database afin de colliger toutes les caractéristiques cliniques et biologiques des patients allant recevoir une durée minimale de trois ans d’imatinib, et ce, pour une meilleure caractérisation des facteurs pronostiques/prédictifs des patients devant ou ne devant pas bénéficier de traitements adjuvants. Encore une fois, la durée optimale d’un traitement adjuvant pour un GIST à haut risque de rechute n’est pas encore clairement établie.

L’avènement de l’imatinib a permis d’augmenter de 64% la survie des patients atteints de GIST localisé dans une série australienne portant sur 511 GIST (28% avant 2000, 72% après 2000). La survie globale (tout stade confondu) passe en effet de 52% avant l’ère de l’imatinib à 72% à 5 ans après 2000 (Goldstein et al, abstract n°10060).

 

2. GIST et mutations :

On ne pourra plus se passer dans un avenir proche du statut mutationnel du GIST, lorsque l’on prendra en charge un patient, aussi bien en situation adjuvante (Corless et al, ASCO 2010, abstract n°10006) qu’en situation de rechute, l’incidence des mutations semblant en outre évoluer dans le temps (du micro-GIST à la métastase) couplée à l’incidence croissante des nouveaux agents efficaces dans cette maladie. Que devons-nous retenir cette année sur ce sujet ?
 

  • L’un des scoops de cette année est incontestablement l’efficacité remarquable, tout au moins in vitro, des anticorps anti-PDGFR, notamment celui dirigée contre la mutation la plus résistante à tous les TKIs actuellement disponibles (D842V) (Heinrich et al, abstract n°10012) : le crenolanib (CP-868596) inhibe de façon spectaculaire les lignées cellulaires transfectées avec ce gène muté, l’IC50 étant de seulement 20 nM avec le crenolanib vs plus de 1000 pour l’imatinib. Des essais de phase I/II vont très prochainement débuter de par le monde dans cette indication élective. Vers un traitement à la carte dans les GIST en première ligne thérapeutique ?
  • Les altérations génétiques effectuées chez 290 patients coréens porteurs de GIST avancés sont similaires à celles observées dans les pays européens avec des PFS similaires par génotype (exon 11 de KIT > WT > exon 9 de KIT) (Kang et al, abstract n°10063).
  • Les GIST WT sur-expriment IGF1R, on le sait depuis quelques années : validation de ce constat mais cette fois-ci grâce à l’aide des micro-RNAs (Formica et al, abstract n°10056) : à quand des phases II testant des anti-IGF1R dans cette population hétérogène de patients ne présentant aucunes altérations génétiques de KIT et de PDGFR ? Ces mêmes GIST (WT) peuvent présentées des mutations de la succinate deshydrogénase (sub-unité A) (Pantaleo et al, abstract n°10045 et Indio et al, abstract n°10046).
  • Les GIST n’exprimant pas KIT sont une entité connue : en remontant aux gènes, deux groupes apparaissent distinctement : ceux qui sur-expriment KIT, DOG1 et PDGFR et sous-expriment l’IGF1R, ce sont en majorité des GIST gastriques épithélioides, et ceux de moins bon pronostic, sous-exprimant KIT, DOG1 et PDGFR mais sur-exprimant l’IGF1R qui sont plutôt des GIST non gastriques (Martin-Broto et al, abstract n°10047).

3. En situation de rechute ou avancée :

3.1 L’’étude BFR14 close aux inclusions depuis Mai 2009 (434 patients inclus) est toujours aussi prolixe en enseignements. Elle a été une nouvelle fois été à l’honneur à l’ASCO (huitième année consécutive) puisque les messages clefs de l’étude globale ont été présentés lors de la discussion en séance plénière. Quoi de neuf cette année dans cette étude académique ?

1) Toutes les données sur les patients randomisés après un an (58 patients), 3 ans (50 patients) et 5 ans (27 patients) d’imatinib ont été réactualisées (Le Cesne et al, abstract n° 10015) :

  • Le délai d’obtention d’une résistance secondaire à l’imatinib dans les 2 bras thérapeutiques (première progression dans le bras poursuite, seconde dans le bras arrêt) reste similaire et la survie des patients identiques (pas encore assez de recul pour les patients randomisés à 5 ans).
  • A ce jour, 50% des patients randomisés dans le bras arrêt après 5 ans de traitement ont re-progressé (PFS médiane de 12 mois) contre aucun dans le bras poursuite (figure 2).
  • L’incidence des résistances secondaires décroît avec la durée d’administration de l’imatinib : si l’on se fixe un point constant dans le temps (deux années après les randomisations à 1, 3 et 5 ans) le taux de poursuite évolutive sous imatinib (bras continu) passe de 40% (® à 1 an), 20% (® à 3 ans) à 0% (® à 5 ans). Ces résultats évoquent donc, pour le plus grand bien des patients, que si la survie sans progression est en médiane de 24 mois lorsque l’on instaure un traitement par imatinib à la dose de 400 mg/j, les probabilités d’échappement sous traitement diminuent avec la durée de son administration et qu’un plateau est possiblement obtenu après 5 ans de traitement. Si le terme de guérison est difficilement prononçable chez des patients métastatiques puisque la maladie réapparait peu ou prou de temps après l’arrêt de l’imatinib (figure 3 ci-dessous), le terme de rémission complète prolongée voire définitive peut être aussi « doux » à entendre chez des patients qui n’arrêtent jamais le traitement et qui le prennent pendant une durée minimale de 5 ans. Ces résultats ne sont pas sans conséquences sur les réflexions que l’on porte aux situations adjuvantes dans les GIST à haut risque de récidive où la durée minimale désormais de 3 ans, n’est pas forcément la durée optimale (5 ans ?, à vie ?).

 

2) Pourquoi de pas proposer des traitements séquentiels (on/off) dans le temps puisque l’incidence des résistances secondaires sont similaires dans les 2 bras thérapeutiques ? La réponse se situe dans l’abstract n°10054 (Domont et al) où le statut tumoral des patients randomisés dans les bras « arrêt » a été décortiqué (au moment de la randomisation, au moment de la re-progression et au moment de la meilleure réponse à la réintroduction de l’imatinib) : lors de la reprise de l’imatinib, les patients ne retrouvent que rarement une situation et un volume tumoral identique à celle qu’ils avaient avant la randomisation : Sur les 18 patients en rémission complète (Réponse Complète (RC) selon RECIST) à la randomisation, 8 retrouvent une RC (42%), et sur les 23 patients en Réponse Partielle (RP), 12 auront encore une RP à la reprise de l’imatinib (52%) (Tableau 1 ci-dessous). A noter que les patients en Réponse Complète au moment de l’arrêt de l’imatinib développent significativement plus de nouvelles lésions que les patients mis en RP, qui eux voient plutôt leurs anciennes lésions résiduelles re-progresser. Ce dernier paramètre n’influence pas le devenir des patients. L’arrêt de l’imatinib semble donc difficile à proposer en routine chez les patients métastatiques (avec lésions résiduelles visibles ou non !). En cas d’arrêt de l’imatinib (quelque soit la durée) pour des raisons justifiées ou non, comme une grossesse chez une femme jeune, un désir du patient, des toxicités psychologiquement mal vécues, des vacances prolongées…les patients doivent être prévenus et doivent accepter l’idée d’une re-progression ultérieure pour une meilleure acceptation de la reprise du traitement.

Tableau 1 : Etude BFR14 : comparaison du statut tumoral au moment de la randomisation et au moment de la meilleure réponse à la reprise de l’imatinib 3.2 Quelles sont les caractéristiques phénotypiques et génotypiques des longs répondeurs?

  • En ne tenant compte que des patients ayant un minimum de 5 ans de suivi sur la cohorte entière des patients de l’étude BFR14, les patients toujours sous imatinib 400 mg/j (67 patients) ont été comparé à ceux qui ont progressé dans le même temps (173 patients) : les longs répondeurs à l’imatinib ont les caractéristiques suivantes (Blésius et al, abstract n° 10048) : il s’agit de femmes (p=0.013) en bon état général (p=0.003) à l’inclusion, avec un petit volume tumoral (p=0.008), un taux normal d’hémoglobine (p=0.039) et de lymphocytes à l’inclusion (p=0.016). Concernant le statut mutationnel, deux informations importantes : 1) tous les longs répondeurs n’on pas tous une mutation de l’exon 11 de KIT puisque 8% d’entre eux (données disponibles sur 40/67 patients) sont porteurs d’une mutation de l’exon 9 et 5% sont des GIST WT soit des taux semblables à ceux que l’on retrouve dans la population générale incluse en première ligne de traitement ; 2) ceux qui ont une anomalie génétique sur l’exon 11 (87% des patients) ont soit une altération touchant les codons 557 à 560 (28/35) soit une altération des codons 574 à 579. Vingt pourcent des patients ont une délétion 557-558.
  • Une actualisation des données de l’étude pionnière B2222 (400 vs 600 mg d’imatinib) a également aussi été rapportée pour évaluer les caractéristiques des longs répondeurs/survivants (Von Mehren et al, abstract n°10016) : 35% des 147 patients inclus dans cette étude sont en vie à 9 ans. La PFS dépend, en grande partie, du volume tumoral initial : 29% à 9 ans lorsque le volume tumoral est inférieur à 39 mm2, 3% lorsque ce dernier est supérieur à 262 mm2, l’incidence des résistances secondaires augmentant, on le sait, avec l’importance de la masse tumorale.
  • Actualisation in fine de l’étude RTOG 0132 (imatinib en néoadjuvant pendant 8 à 12 semaines, chirurgie si possible, 2 ans d’imatinib en adjuvant) : la PFS à 5 ans est à 56.7 mois pour les patients de la cohorte A (GIST localement avancés opérables). Validation de l’importance d’une exérèse R0 chez les patients présentant une tumeur localement avancée opérable : 23.8% de rechute vs 50% chez les patients ayant bénéficié d’une exérèse R1. Pas d’impact du type d’exérèse (R0 vs R1) en cas de tumeurs métastatiques (Wang et al, abstract n°10057). Pas d’impact d’ailleurs de la chirurgie des lésions résiduelles sous imatinib (Rubio et al, abstract n°10055). La chirurgie des lésions résiduelles sous imatinib n’est pas un standard thérapeutique en 2011 et doit être discuté au cas pas dans les RCP.

3.3 Imatinib et pharmacocinétique : deux posters discussions ont porté sur ce sujet :

  • Une étude néerlandaise (Eechoute et al, abstract n°10014) portant sur 52 patients traités en Italie et en Allemagne confirmant l’augmentation de la clairance plasmatique (diminution de la concentration plasmatique) au cours du temps : moins 17% à un mois, moins 30% à 3 mois. Une dose de 400 mg d’imatinib par jour au J1 correspond donc environ à 300 mg d’imatinib au bout de 3 mois de traitement. Un nouveau contrôle tumoral observé avec l’augmentation des doses d’imatinib (de 400 à 600 ou 800 mg/j) en cas d’échappement à 400 mg pourrait donc être expliqué en partie par ces données de pharmacocinétique.
  • Une étude française (Molimard et al, abstract 10013) a essayé d’établir le fameux seuil critique d’imatinidémie à partir duquel le devenir des patients varie en cour du temps (date médiane du prélèvement 15 mois) : un taux supérieur à 760 ng/ml identifie un sous-groupe de patients de bon pronostic : PFS à 5 ans de 80% vs 40% pour les autres, tout site initial confondu avec même un taux de 100% (aucune progression) à 5 ans pour les GIST gastriques ayant un taux plasmatique supérieur à 760 ng/ml vs 55% pour les autres. Dans les GIST de l’intestin grêle cette même PFS varie de 85% à 45% en fonction de ce taux. Un prélèvement à 12 mois pourrait ainsi aider les cliniciens à l’adaptation des doses d’imatinib : augmentation des doses en cas de seuil inférieur à 760 ng/ml ?

3.4 Imagerie fonctionnelle : on le sait, le couplage d’une imagerie fonctionnelle à une imagerie conventionnelle dans les premiers mois de traitement permet de mieux identifier les répondeurs à ceux qui vont rapidement progresser : dans ce domaine, l’apport de l’écho-doppler avec perfusion de Sonovue associé à un logiciel de perfusion (Abboud et al, abstract n°10062) est indéniable : au J7 de la mise en route de l’imatinib, cette technique ne permet pas d’identifier ces 2 cohortes de patients (diminution de l’AUC de moins 20% et de moins 19% chez les bons et mauvais répondeurs respectivement) mais au J14 les futurs répondeurs (à 2 mois sur l’imagerie fonctionnelle) ont une diminution de l’AUC de 83% (qui se maintient par la suite dans le temps) alors que les non répondeurs ont une AUC au niveau des lésions cibles qui ne diminue que de 10% (pour s’inverser ensuite dans les bilans suivants). Ces paramètres (J14 et AUC) pourraient s’appliquer à tous les TKIs et dans d’autres modèles tumoraux. Le FDG-PET lui, semble incapable dans cette même situation (PETs aux J1 et J8) de discerner d’éventuels mauvais répondeurs car le PET au J8 a identifié 27/29 répondeurs et les 2 non-répondeurs se sont avérés des répondeurs sur l’imagerie conventionnelle à 2 mois (Oosting et al, abstract n°10051). A noter que 14% des patients ayant un GIST métastatique ont des cibles tumorales qui ne fixent pas le sucre radioactif et, à l’heure actuelle, ces patients ne peuvent pas être inclus dans un essai thérapeutique comme l’étude testant le dasatinib (BMS) en première ligne de traitement.


A noter que la phosphorylation de KIT des cellules endothéliales tumorales est significativement inhibée par l’imatinib chez les patients répondeurs au PET par rapport aux non répondeurs (Gao et al, abstract n°10049).

4. Y a-t-il de la place pour tester en première ligne de traitement en situation tumorale avancé (GIST localement avancés et/ou métastatiques) des inhibiteurs tyrosines kinases autres que l’imatinib, malgré son efficacité remarquable ? Le dasatinib (Sprycel®, BMS) est actuellement à l’étude dans une un essai coordonné par le SAKK et les résultats seront vraisemblablement connus en 2012. Le masitinib (AB1010, ABscience) donne des résultats similaires à l’imatinib sur une petite étude de phase II présentée en 2009 (Le Cesne et al, abstract 10507) et se compare actuellement à l’imatinib dans une étude de phase III internationale. Enfin l’étude de phase III randomisée comparant le nilotinib (800 mg/j) à l’imatinib (400 mg) en première ligne de traitement à été arrêtée pour futilité, la probabilité de démontrer un avantage du nilotinib par rapport à l’imatinib étant nulle. Aucune autre étude en cours ou rapportée à ce jour.

5. Dans la guerre des inhibiteurs de tyrosine kinase possiblement efficaces au-delà de la première ligne thérapeutique, seul le sunitinib a obtenu à ce jour une AMM en 2006 dans les GIST réfractaires/résistants/intolérants à l’imatinib. Quoi de neuf cette année dans les « ibs » ?
 

  •  le sunitinib (sutent®)l’incidence d’une HTA significative (augmentation de la systolique de base de 25 mm ou >180 à une reprise, de la diastolique de 15 mm ou supérieure à 120 à une reprise, modification du traitement hypertenseur) est de 10.7% sous sunitinib et la survenue de ces évènements se situe en médiane au 5ème cycle de sunitinib (ASCO 09, Ewer et al, abstract n°10059). Il semble que les patients développant une Hyper Tension Artérielle (HTA) (systolique >140mm, diastolique >90mm) ou accentuant une HTA existante sous sunitinib soit corrélée à une meilleur Survie sans Progression à un an : 65% contre 22% (Ruthkowski et al, abstract n°10017). Des antécédents d’hypertension ou de coronaropathie augmentent significativement le risque de développer une hypertension plus sévère, hypertension qui en fait sous estimée au moment de la mise en route du sunitinib (50% des patients) (Galizia et al, abstract n°10061). L’autre paramètre prédictif connu de la sensibilité au sunitinib étant bien entendu le statut mutationnel initial : supérieur pour les exons 9 (68% à un an) et WT (57%) par rapport aux exons 11 de KIT (33%) et PDGFR (17%) (Ruthkowski et al, abstract n°10017).
  • le nilotinib (Tasigna®, Novartis) : aucune étude cette année dans les GIST sur cet inhibiteur tyrosine kinase de 2ème génération actif sur KIT, PDGFR et Bcr-Abl (d’où son développement initial dans la LMC et son AMM dans cette indication en 2007).
  • Le sorafenib (nexavar, Bayer), pan-tyrozyne kinase inhibant KIT, PDGFR, VEGFR et des serines/thréonine kinases (RAS/RAFMEK/ERK) est toujours très utilisé en 3ème ligne thérapeutique depuis les résultats sur les lignées cellulaires démontrant une activité significative sur les GIST développant des nouvelles mutations sur les exons 13 et 14 de KIT mais surtout sur les lignées résistantes dues à des nouvelles mutations situées au niveau de la zone catalytique distale de KIT (exons 17 à 18). Deux posters discussions cette année sur le sujet. Testé principalement en 3ème ligne de traitement (après imatinib, sunitinib) chez 32 patients, le sorafenib a permis d’obtenir un bénéfice clinique chez 68% des patient (13% de réponse partielle) avec une survie sans progression (PFS) médiane de 5.2 mois et une survie globale médiane de 11.6 mois (Kindler et al, abstract n°10009). Même son de cloche sur une étude de phase II sur 31 patients (Ryu et al, abstract n°10010) : 10% de PR, 55% de SD, PFS médiane de 4.9 mois (37% à 6 mois). Il semble que le sorafenib soit plus efficace en 3 qu’en 4ème ligne. Il s’agit indiscutablement d’une 3ème ligne thérapeutique active dans les GIST métastatiques, même si le sorafenib ne soit pas commercialisé dans cette indication. Dans une étude rétrospective portant sur 176 patients résistants à l’imatinib et au sunitinib, le sorafenib semble être actuellement la meilleure option thérapeutique (Italiano et al, abstract n°10044) en troisième ligne de traitement avec une PFS médiane de 6.1 mois contre 3.9 mois pour le nilotinib. Mêmes constatations pour la 4ème ligne, 7.5 mois de PFS médian pour le sorafenib, 3.8 mois pou le nilotinib. A noter que la reprise de l’imatinib en 4ème ligne de traitement n’est pas dénuée d’efficacité puisque la PFS médiane est de 4.9 mois vs 1.6 mois pour les traitements de support. Les longs répondeurs à une 3-4ème ligne thérapeutique (et au-delà) sont ceux qui ont un bon état général et un taux d’albumine satisfaisant.
  • Le régorafenib (Bayer 73-4506), nouveau pan-tyrozyne kinase inhibant KIT, PDGFR, FGFR, VEGFR1, 2, 3 et B-RAF de chez Bayer (Nexavar nouvelle génération) a été testé chez 34 patients résistants à l’imatinib et au sunitinib (George et al, abstract n°10007). Le régorafenib, administré à la dose de 160 mg/j 3 sem/4, semble aussi efficace, voire plus que son prédécesseur avec 73% ce bénéfice clinique (9% de PR et 64% de SD de plus de 4 mois), et une PFS médiane de 10 mois. Il s’agit de l’une des survies sans progression les plus élevées jamais obtenues dans des GIST résistants à l’imatinib et au sunitinib. Les toxicités sont quelque peu similaires : HTA (36% de grade 3), syndrome main-pied (21%) et rash (9%). Une étude d’enregistrement de phase III ® comparant le regorafenib au placebo est actuellement en cours d’inclusion.

Avec ce schéma thérapeutique (3 semaines on, 1 semaine off), on assiste encore une fois à un effet rebond si l’on suit les patients sur le plan métabolique (PET) : sur les 16 patients ayant une réponse partielle métabolique après 3 semaines de traitement (J21), 10 patients développent une progression au J28 après une semaine d’arrêt (Van den Abbele et al, abstract n°10050). Et encore une fois, on assiste à une dissociation entre les réponses RECIST et les réponses métaboliques dans les GIST lourdement prétraités.

  • Le dasatinib (Sprycel®, BMS) : La voie Src/Fak (Focal-adhesion kinase) est possiblement une voie potentiellement intéressante à éteindre dans les GIST. Le dasatinib est un anti-tyrosine kinase dirigé contre src, KIT et PDGFR. Le groupe sarcome américain (SARC) a mené une phase II testant le dasatinib chez 50 patients présentant un GIST avancé résistants à l’imatinib et au sunitinib (80% des patients ayant reçu le sutent® en 2ème ligne) (Trent et al, abstract n°10006) : administré à la dose de 70 mg deux fois par jour, les résultats ne sont pas excessivement impressionnant avec 22% de réponse objective (mais selon les critères CHOI) et une PFS à 6 mois de seulement 20%. L’hyper-expression de src en IHC sur les cellules tumorales de GIST ne modifie pas l’efficacité du dasatinib. A noter cependant une réponse de très bonne qualité chez un patient porteur de la mutation D842V de PDGFR et une PFS possiblement supérieure chez les patients porteurs de cette mutation (3 patients seulement) par rapport aux autres. Le dasatinib est actuellement testé en première ligne dans les GIST non prétraités (résultats connus certainement en 2012).
  • Le ganetespib (STA-9090, Infinity, Cambridge) est une protéine chaperonne inhibant la protéine Heat Shock Protein 90. In vitro cette drogue est particulièrement active sur les lignées cellulaires transfectées par des mutations de KIT et de PDGFR : administrée en IV pendant une heure une fois par semaine, 3 semaines sur 4, 22% des 26 patients inclus en ont tiré un bénéfice direct pendant au moins 16 semaines avec une diminution de la SUV max d’au moins 20% chez 58% des patients (Demetri et al, abstract n°10011). Ces réponses sont cependant de courte durée car l’inhibition in vitro de KIT est transitoire.

6. Pour être définitivement complet dans la thématique GIST cette année à l’ASCO, à noter :

  • Une analyse du devenir de 90 patients présentant un GIST duodénal (moins de 5% de l’ensemble des GISTs) (Duffaud et al, abstract n°10053) : douleurs abdominales, anémie et hémorragie digestive sont les principales modes de découverte de ces GISTs situés pour un tiers des cas au niveau de D2 et un autre tiers au niveau de D3/D4, la taille médiane au diagnostic est de 6 cm et 76% de ces GIST ont une mutation de l’exon 11 de KIT. L’index mitotique est le facteur pronostique le plus puissant corrélant à la rechute. La survie globale à 4 ans est de 89% pour les 71 patients présentant un GIST localisé, 72% pour les 19 patients métastatiques. Une chirurgie préservant le pancréas doit être préférée.