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ASCO 2009 : Résistances secondaires à l’Imatinib : Mise à jour des résultats de l’étude BFR14 Pr. Florence Duffaud, Hôpital de la Timone (Marseille)

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Dernières données de l'étude française BFR14.

INTRODUCTION

L’étude prospective multicentrique BFR14 du Groupe Sarcome Français pose la question de la durée optimale de prescription d’Imatinib chez les patients présentant un GIST métastatique / avancé, en comparant la poursuite de l’Imatinib à l’interruption de la thérapie après un an de traitement.
Pour tenter de répondre à cette question, les patients présentant une maladie stabilisée ou une amélioration de leur état après un an d’Imatinib à 400mg/jour avaient la possibilité d’être randomisés pour être répartis dans deux bras d’étude : un bras « interruption jusqu’à progression de la maladie », un bras « poursuite du traitement ».
Les patients se mettant à progresser après interruption de la thérapie redémarraient l’Imatinib au même dosage.
Les patients refusant la randomisation étaient maintenus sous Imatinib.

Les résultats obtenus à l’issue de l’étude de cette première cohorte de patients ayant clairement mis en évidence la nécessité de poursuivre l’Imatinib au-delà d’une année de traitement, la même question fut posée pour les patients n’ayant présenté aucun signe de progression après 3 années de prescription ininterrompue d’Imatinib. Ainsi, les patients présentant une maladie stabilisée ou une amélioration de leur état après 3 ans d’Imatinib à 400mg/jour ont, à leur tour, été proposés à la randomisation pour être répartis dans les deux bras d’étude précédemment cités.
Seuls les patients qui avaient été précédemment randomisés dans le bras « interruption » après un an d’Imatinib ne pouvaient participer.

Les résultats obtenus à l’issue de l’observation de cette seconde cohorte de patients confirmant ceux de la première, l’étude s’attache désormais à poser la même question pour les patients non progressifs après 5 années d’Imatinib…

L’objectif premier de cette étude est:
l’évaluation de la Survie Sans Progression (Temps écoulé entre le démarrage du traitement et les premiers signes de progression de la maladie) des patients.

La réponse tumorale étant évaluée tous les deux mois selon les critères « RECIST » durant les deux premières années, puis tous les 3 mois les années suivantes.

Les objectifs secondaires étaient les suivants :
• La survie Globale (Depuis le démarrage du traitement jusqu’au décès)
• La réponse secondaire (Réponse objective obtenue après réintroduction du traitement pour les patients inclus dans le bras « interruption »)
• La qualité de vie

L’analyse des données de survie était réalisée à l’aide du test du log-rank (Test d’hypothèses, largement utilisé dans les essais cliniques, pour comparer la distribution des survies de deux échantillons de populations distinctes).

Centres participants :
23 centres français sur 31 ont inclus des patients dans cette étude.

Enrôlement des patients :
434 patients ont été inclus entre mai 2002 et mai 2009, et près de 50% des patients sont toujours en traitement. L’étude BFR14 est fermée à l’inclusion depuis le 1er mai 2009.

RESULTATS DE LA RANDOMISATION A 1 AN
Seuls 58 patients présentant une maladie stabilisée étaient éligibles à la randomisation après 1 an d’Imatinib. 26 patients ont poursuivi la thérapie tandis que 32 avaient été inclus dans le bras « interruption jusqu’à progression ».
La médiane de surveillance à compter de la randomisation est de 61 mois.

Survie Sans Progression après 1 an de randomisation
L’interruption de l’Imatinib chez les patients sans signe de progression après un an de thérapie résulte en un risque élevé de progression rapide et est généralement associé à une survie sans progression plus courte. En effet, les taux de survie sans progression à un an étant de 31% dans le bras « interruption » contre 85% pour les patients inclus dans le bras « poursuite de la thérapie ».

Résultats du bras “Interruption” après randomisation à un an.
Si nous regardons les résultats du bras “interruption”, 28 des 32 patients inclus dans ce bras ont progressé après l’arrêt du traitement.
Parmi ces 28 patients, 3 ont redémarré l’Imatinib à 400mg/jour avant les premiers signes de progression, tandis que 25 n’ont redémarré le traitement qu’après confirmation de la progression. La réintroduction de l’Imatinib a permis un nouveau contrôle des tumeurs pour 23 des 25 patients évalués (92%) après un temps médian de 3 mois suivant la reprise de l’Imatinib.

Sur un temps médian de réintroduction de l’Imatinib de 42.4 mois, 15 de ces 28 patients (53%) ont présentés de nouveaux signes de progression évocateurs d’une résistance dite « secondaire ».
Sur les 4 autres patients du bras « interruption », 1 avait refusé d’arrêter le traitement et 3 n’ont pas pu redémarrer l’Imatinib : l’un d’entre eux étant décédé d’un deuxième cancer et les deux autres ayant été mis en rémission complète après ablation de leurs métastases au démarrage de l’étude.

Randomisation à un an : Temps jusqu’à la Résistance Secondaire
Concernant la résistance secondaire au traitement, l’étude n’a aucunement permis de mettre en évidence une quelconque différence entre les patients inclus dans chacun des deux bras, après un an de traitement sous Imatinib.
L’interruption de l’Imatinib ne semble avoir aucun impact sur la sensibilité (/résistance) des cellules tumorales de GIST étant donné que le temps écoulé jusqu’ à la résistance secondaire est quasiment identique dans chacun des deux bras de l’étude.

Randomisation à un an : Survie Globale
Les courbes de l’étude démontrent que l’interruption d’Imatinib après un an de traitement n’a aucun impact sur la survie globale. En effet, aucune différence significative en termes de survie n’a pu être observée entre les deux bras de l’étude, avec des taux de survie globale à 3 ans de 73% dans le bras « poursuite du traitement » et de 67% dans le bras « interruption ».

RESULTATS DE LA RANDOMISATION A 3 ANS
Après le premier amendement de l’étude, des patients n’ayant démontré aucun signe de progression après 3 ans de thérapie ont été proposes à la randomisation pour interrompre l’Imatinib.
Seuls 50 patients avec une maladie « sous contrôle » étaient éligibles pour cette phase de randomisation à 3 ans.
25 patients ont continué l’Imatinib tandis que 25 autres l’ont interrompu jusqu’à progression.
La médiane de surveillance à compter de la randomisation était de 28 mois.

Randomisation à 3 ans : Survie Sans Progression
L’étude a démontré que l’interruption de l’Imatinib chez les patients non progressifs après 3 années de thérapie ininterrompue résulte en un risque élevé de progression rapide, généralement associé à une Survie Sans Progression plus courte que celle observée chez les patients poursuivant la thérapie, avec une Survie Sans Progression à 1 an de 32% dans le bras « interruption » contre 92% dans le bras « poursuite ».
Sur la base de ces résultats, la randomisation à 3 ans a été suspendue et tous les patients ont poursuivi le traitement jusqu’à progression.

Randomisation à 3 ans : résultats des 25 patients du bras “interruption”
21 des 25 patients inclus dans le bras « interruption » ont progressé.
Parmi ces patients, 1 a refusé de reprendre l’Imatinib et est décédé d’une cause sans relation avec la progression de la maladie (suicide) ; 20 patients ont repris l’Imatinib (19 à 400 mg/jour et 1 à 300mg/jour).

La réintroduction de l’Imatinib dans le bras « interruption » après progression a permis un contrôle tumoral chez 100% des patients évalués à la première visite de surveillance.
Après une période médiane de réintroduction de l’Imatinib de 19.5 mois, 6 des 21 patients (28.5%) ont présenté une nouvelle progression évocatrice d’une résistance dite « secondaire ».
Pour les 4 autres patients randomisés dans le bras « interruption », 1 a refusé d’interrompre le traitement, 2 ont fait le choix de ne pas reprendre la thérapie, 1 a redémarré l’Imatinib à 400mg/jour avoir progressé après 6 mois d’interruption.

Randomisation à 3 ans : Temps jusqu’à la Résistance Secondaire
Concernant la résistance secondaire au traitement, l’étude n’a aucunement permis de mettre en évidence une quelconque différence entre les patients inclus dans chacun des deux bras, après 3 ans de traitement sous Imatinib.
L’interruption de l’Imatinib semble n’avoir aucun impact sur la sensibilité (/résistance) des cellules tumorales de GIST, étant donné que le temps écoulé jusqu’à la résistance secondaire à l’Imatinib ne présente pas de différences significatives dans le bras « poursuite », et chez les patients du bras « interruption » ayant redémarré l’Imatinib après une seconde progression.

Randomisation à 3 ans : Survie Globale
Les résultats de l’étude démontrent que l’interruption de l’Imatinib après 3 années de traitement ininterrompu n’a aucun impact sur la survie globale, les deux bras de l’étude présentant un taux de survie globale quasiment similaire (88 % et 94%).

RESULTATS DE LA RANDOMISATION A 5 ANS
Après l’amendement de la seconde étude, les patients sans progression après 5 ans de thérapie ont été proposes à la randomisation pour interrompre l’Imatinib.
Au 1er mai 2009, seuls 15 patients avaient été randomisés :
. 7 dans le bras « poursuite »
. 8 dans le bras « Interruption ».

Le temps de médian de surveillance à compter de la randomisation est de 6 mois. Ces résultats sont très préliminaires. Les résultats définitifs seront disponibles pour le congrès de l’ASCO 2010.

Superposition des courbes de Survie Sans Progression des bras “Interruption”
L’étude a démontré que les deux courbes de Survie Sans Progression des bras « Interruption » des patients randomisés après 1 an et 3 ans de thérapies étaient parfaitement superposables.
La pente de la courbe de Survie Sans Progression après 3 ans est identique à celle des patients randomisés après 1 an de thérapie.
Il n’existe pas de différence significative en terme de Survie Sans Progression entre les patients ayant interrompu l’Imatinib après 1 et 3 ans de traitement, les taux de Survie Sans Progression à un an étant respectivement de 31% pour les patients ayant été inclus dans le bras « Interruption » après un an de traitement ; et de 32% pour les patients inclus dans ce même bras après 3 ans de thérapie.

L’étude a également démontré que les deux courbes de Survie Sans Progression des bras “Interruption” des patients ayant interrompu l’Imatinib après 1 et 3 ans de thérapie et ayant développé une résistance secondaire après reprise de l’Imatinib sont également parfaitement superposables.
La réintroduction de l’Imatinib chez les patients inclus dans le bras « interruption » après 1 et 3 ans, suite à une nouvelle progression, n’altère en aucun cas les données de Survie Sans Progression à 2 ans.
Les taux de Survie Sans Progression à 2 ans sont de 63% chez les patients inclus dans le bras « interruption » après 1 an et de 87% chez les patients inclus dans ce même bras après 3 ans de thérapie.
Par conséquent, le taux de résistances secondaires semble diminuer avec le temps et être corrélé avec une exposition ultérieure prolongée à l’Imatinib.
Par ailleurs, les résultats des bras « poursuite de la thérapie » après 1 et 3 ans de traitement présentent de nombreuses similitudes notamment caractérisées par la superposition des courbes de Survie Sans Progression à 2 ans.
Enfin, l’interruption de l’Imatinib semble n’avoir aucun impact sur la sensibilité / résistance des cellules tumorales de GIST.
Ces découvertes pourraient se révéler particulièrement intéressantes et avoir un impact majeur dans l’approche thérapeutique des patients rechutant dans le cadre d’une prescription d’Imatinib en situation adjuvante.

CONCLUSION 1

En conclusion, une progression rapide survient si l’Imatinib est interrompu chez les patients métastatiques, non progressifs ayant atteint une stabilité ou une amélioration tumorale sous Imatinib.
Ensuite, l’Imatinib ne devrait pas être interrompu chez les patients non progressifs (Réponse Partielle / Réponse Complète / Stabilisation) présentant une maladie métastatique. Cependant, une « coupure » thérapeutique de l’Imatinib chez les patients âgés présentant un GIST avancé et/ou chez les patients confrontés à une toxicité sévère peut parfois être envisagée comme une possible option thérapeutique.
En outre, la réintroduction de l’Imatinib permet d’obtenir un nouveau contrôle de la situation tumoral pour 100% des patients inclus dans le bras « interruption » après 3 ans de traitement sous Imatinib et présentant de nouveaux signes de progression.

CONCLUSION 2

En conclusion, le taux de résistances secondaires semble décliner avec le temps. Cette diminution semble être corrélée à une exposition antérieure prolongée à l’Imatinib.
Les résultats des patients non progressifs randomisés à 5 ans (Survie Sans Progression et Temps à la Résistance Secondaire), disponibles pour l’ASCO 2010, permettront probablement de confirmer cette tendance et sont donc attendus avec beaucoup d’intérêt.

Par ailleurs, la tendance du déclin des résistances secondaires vraisemblablement conditionné par une exposition antérieure prolongée à l’Imatinib est une donnée qui devra probablement être exploitée dans le cadre d’une prescription adjuvante :
• Les résultats de la randomisation à 5 ans devraient préfigurer de ceux de l’étude adjuvante scandinave SSG/AIO posant la question de la durée optimale de la prescription d’Imatinib en post-opératoire en comparant 3 ans de thérapie à 1 an de traitement.
• Ces résultats devraient aussi être considérés pour la prise en charge des personnes atteintes de GIST à haut risque de récidive et poser ainsi la question du traitement à vie en post-opératoire chez cette population de patients.
• Enfin, ils devraient également être pris en considération dans un contexte de réintroduction de l’Imatinib dans le cas de récidive.